parution mars 2008
ISBN 978-2-88182-614-6
nb de pages 288
format du livre 140 x 210 mm
prix 22.00 CHF

où trouver ce livre?

Gérard Henry

Chroniques hongkongaises

résumé

Ces chroniques témoignent au jour le jour de la société hongkongaise depuis la rétrocession de l’île à la Chine. A la manière d’un arpenteur, Gérard Henry s’intéresse aux petites choses de la vie et promène un regard curieux sur une ville qui ne dort jamais. Cernées par la mer, Hong Kong et ses cités illuminées escaladent les collines. Gérard Henry les parcourt en tout sens dans des chroniques-croquis qui sauront séduire le voyageur. Visite d’ateliers de peintres, commentaires culinaires, découverte de la littérature et du cinéma hongkongais, grippe aviaire et épidémie de SRAS : les chroniques de Gérard Henry saisissent sur le vif la réalité de la Perle de l’Orient.  Une ville unique où « le plus tendre en ce monde domine le plus dur » (Lao Tseu).

 

Gérard Henry vit à Hong Kong depuis vingt-six ans. Directeur adjoint de l’Alliance française, rédacteur en chef du magazine Paroles, il est aussi un spécialiste de l’art contemporain chinois et préside l’Association des critiques d’art de Hong Kong. Depuis une dizaine d’années, il signe des chroniques diffusées par la Radio suisse romande et collabore occasionnellement au Monde diplomatique et à la revue Perspectives chinoises.

 

Préface de Patrick Ferla 

biographie

 

De nationalité française, Gérard Henry vit à Hong Kong depuis 26 ans. Directeur adjoint de l’Alliance française, il est rédacteur en chef du magazine Paroles (mensuel). Spécialiste de l’art contemporain chinois, Gérard Henry préside l’Association des critiques d’art de Hong Kong. Parlant couramment le cantonnais, il signe, depuis une dizaine d’années, des chroniques diffusées dans les émissions de Patrick Ferla sur la première chaîne de la Radio suisse romande. 

Parenthèses

« Ces chroniques témoignent au jour le jour de l’évolution de la société hongkongaise depuis la rétrocession de l’île à la Chine en 1997. À la manière d’un arpenteur, Gérard Henry s’intéresse aux petites choses de la vie et promène un regard curieux sur une ville qui ne dort jamais. Cernées par la mer, Hong Kong et ses cités illuminées escaladent les collines. Gérard Henry les parcourt en tous sens dans des « chroniques-croquis » qui sauront séduire le voyageur. Visites d’ateliers de peintre, commentaires culinaires, découverte de la littérature et du cinéma hongkongais, grippe aviaire et épidémie de SRAS : les chroniques de Gérard Henry saisissent sur le vif les réalités de la Perle de l’Orient. Une ville unique où « le plus tendre en ce monde domine le plus dur » (Lao Tseu). »

Chroniques hongkongaises: extrait

 

Le dernier gouverneur en son jardin

16 septembre 1997

La grande marée médiatique qui avait submergé en juin 1997, lors de la rétrocession de Hong Kong à la Chine, la maintenant défunte colonie britannique, s’est retirée aussi vite qu’elle était arrivée, laissant déserts les rivages de la célèbre perle d’Orient.

Le dernier gouverneur britannique, Chris Patten, est à présent, comme il l’avait annoncé, en train de planter ses choux dans son jardin du sud de la France. Son palais, au coeur de la cité, demeure vide. Sa gigantesque Rolls noire, image autrefois familière des Hongkongais, ne traverse plus les embouteillages de la cité. Elle gît, abandonnée, au fond d’un garage comme une grande dame délaissée, attendant d’être vendue aux enchères à quelque milliardaire fétichiste – Hong Kong n’en manque pas – ou de passer les portes d’un musée de la colonie encore très hypothétique.

Une époque est close, l’histoire a refermé ses portes, et Hong Kong, ville frénétique et agitée, vit comme toujours dans le présent. Le nouveau chef de l’exécutif, Tong Chee-hwa, riche armateur d’origine shanghaienne, a choisi de demeurer dans son appartement personnel agrandi pour l’occasion et roule dans une grosse cylindrée banalisée, symbole du succès des hommes d’affaires d’Asie.

Seul un oeil exercé pourrait distinguer les petits changements qui modifient le visage de la cité. Le plus évident, le drapeau rouge aux cinq étoiles qui flotte, quelque peu incongru, sur les gratte-ciel de la cité, symbole de cette grande contradiction historique que Karl Marx, dans ses volumineux écrits, n’avait point prévue : le communisme, coiffant, protégeant et élevant  l’un des plus beaux fleurons du capitalisme mondial. Après ce grand mariage arrangé, il semble jusqu’à présent que les époux fassent bon ménage et que la lune de miel se prolonge entre Pékin et Hong Kong.

Les dirigeants chinois, préoccupés par le quinzième Congrès du parti communiste qui se tient présentement à Pékin, ne veulent surtout pas en ce moment crucial s’attirer de mauvaise publicité et n’interviennent pas – du moins directement – dans les affaires de la cité. L’Armée populaire de libération campe dans ses casernes, hors de la vue du public. (L’été s’est donc passé sans grands bouleversements.) C’est en fait sur le tourisme que la rétrocession a eu un contre-effet. Il a chuté de 25 % cet été, mais la tenue très prochaine de la réunion de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international devrait relancer cette activité.

En réalité, aujourd’hui mardi, c’est quelque chose de beaucoup plus joyeux qui préoccupe les Hongkongais. Ce soir, c’est le début de la fête de la mi-automne, la fête de la lune, la fête des lanternes. Et si Hong Kong est une ville ultramoderne, c’est aussi une des villes du monde chinois qui a le mieux préservé les traditions ancestrales et familiales. La fête a lieu le quinzième jour de la huitième lune, jour où la lune est la plus belle et la plus ronde. Et dans cette cité si pragmatique et toujours affairée, il est rare de jeter un simple regard vers le ciel. C’est ce que feront pourtant ce soir tous les Hongkongais qui se retrouveront d’abord en famille pour partager le dîner et le célèbre gâteau de lune, dont la rondeur symbolise l’unité de la famille, avant de sortir par milliers dans les parcs tout illuminés de la ville. La nuit hongkongaise devient alors soudain féerique, un monde magique où chacun circule, une lanterne à la main.

Dans cette tradition qui trouve sa source dans la mythologie chinoise, les lanternes étaient autrefois toutes de papier et de bambou, et représentaient lapins, poissons rouges, fruits, carpes ou papillons. Le monde moderne est passé par là et les lanternes d’aujourd’hui évoquent un tout autre univers ; les innocents animaux côtoient des fusées, des tanks et des missiles, nous rappelant que notre monde n’est plus seulement marqué par la succession des saisons et des lunaisons.

À cela, Hong Kong, cité du gadget électronique et électrique, n’a pas manqué d’ajouter toute une panoplie d’accessoires clignotants ou fluorescents : lunettes, serretête, antennes, boucles d’oreilles, colliers et bracelets donnent aux petits Hongkongais l’air d’extraterrestres.

Mais si les adultes un peu blasés ont du mal à quitter la réalité et leur indispensable téléphone portable, les plus petits ne peuvent échapper à une autre vieille fascination, celle du feu. Car c’est sans doute le seul jour de l’année ou ils peuvent jouer impunément avec allumettes et bougies. On les voit dans les parcs, le visage grave, les yeux brillants, totalement absorbés par l’entretien des feux de leurs chandelles. Ils semblent avoir oublié l’agitation des parents et de la foule autour, les seuls peut-être à pénétrer dans le sacré de cette nuit lunaire.