parution novembre 2017
ISBN 978-2-88927-522-9
nb de pages 208
format du livre 105x165 mm

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Pascale Kramer

L'Implacable Brutalité du réveil

résumé

Dans la nouvelle résidence où elle vient de s’installer avec Richard et leur petite Una, Alissa se sent chaque jour plus angoissée : le nourrisson ne suscite pas en elle l’amour tant attendu, seulement une accablante responsabilité. Les climatiseurs brassent la chaleur de l’été californien, mais ne dissipent pas le sentiment d’abandon croissant d’Alissa.

biographie

Pascale Kramer est née en 1961 à Genève, elle vit à Paris. Elle est notamment l’auteur de L'Implacable brutalité du réveil (Prix Schiller, Prix Rambert et Prix du roman de la Société des Gens de Lettres). Son dernier livre, Un homme ébranlé, est paru au Mercure de France en janvier 2011.

Le Nouvelliste

"Un titre des plus évocateurs pour ce roman d’une grande habileté narrative. […] l’impressionnant travail d’écriture de l’auteur vous saisit littéralement. En effet Pascale Kramer, grâce à un subtil mélange de descriptions et une redoutable acuité psychologique, parvient à nous plonger dans une perception des plus intéressantes. Elle stimule notre compréhension de ce qui se joue pour ces personnages. C’est à ce moment-là que le titre prend tout son sens… Un roman qui traite de l’ambivalence des liens entre la raison et la sensation." Vincent Boucher de la Rupelle

Le magazine littéraire

"La vie d’Alissa semblait toute tracée et vouée à un bonheur conforme à ses attentes. […] Mais, le jour tant attendu où elle devient mère, [elle] sombre, contre toute attente, dans un « vertige existentiel » profond. Cette douleur, Pascale Kramer nous la fait explorer dans toute son étendue, démontrant son talent d’observation, qui lui a valu trois prix prestigieux." SB

La cause littéraire

"Sans le tour de force magistral de Pascale Kramer, sans doute aurait-il fallu être mère, et pour peu mère indigne, pour ressentir l’effroyable renoncement à soi qui s’impose à son héroïne. Seulement voilà, l’écriture est généreuse et fait partager, percevoir sinon presque comprendre le double sentiment de dépossession et d’oppression qui s’empare d’Alissa. […] Une chose est sûre, le monde n’est pas tout rose dans la fiction kramérienne, mais n’est-ce pas aussi le propre de la littérature de faire du bien en appuyant là où ça fait mal ? Et lorsque la grâce d’une écriture à la fois juste et poétique s’en mêle, on comprend d’autant mieux la consécration." Christelle d’Herart-Brocard

Italien

Éditeur: Tunue
Année: 2018

Helvétique équilibre. Dialogues avec le Point de vue suisse du prix Nobel de littérature 1919

En 1919, Carl Spitteler (1845-1924) devient le premier Suisse à recevoir le prix Nobel de littérature. Notre point de vue suisse, son discours prononcé au début de la Première Guerre mondiale en faveur de la paix et de la neutralité, avait marqué l’esprit de Romain Rolland ou Blaise Cendrars. Le voici dans une nouvelle traduction. Cent ans plus tard, huit écrivains, alémaniques, romands et tessinois, entrent en dialogue avec l’écrivain. Quel rapport la Suisse et ses habitants entretiennent-ils avec leurs voisins européens ? Avec la question des migrants ? Les frontières sont-elles toujours aussi définies qu’il y a un siècle ? Quelles valeurs rattache-t-on aujourd’hui à cette fameuse neutralité helvétique ? Neuf textes et autant de points de vue sur des questions brûlantes. 

Né à Liestal, Carl Spitteler est un observateur critique des dogmes dominants au début du XXe siècle. Huit écrivains, de langues et de générations diverses, proposent en écho leur « point de vue suisse » : Adolf Muschg, Pascale Kramer, Fabio Pusterla, Daniel de Roulet, Dorothee Elmiger, Catherine Lovey, Tommaso Soldini et Monique Schwitter

Édité par Camille Luscher

Traduit de l’allemand et de l’italien par Étienne Barilier, Anita Rochedy, Marina Skalova, Mathilde Vischer, Lionel Felchlin, Camille Luscher,

Voyage à reculons (2011, Minizoé)

Voyage à reculons

« Ses traits  qu’un œdème a noyés paraissent enfin lavés de la souffrance. Mais la violence, apaisée chez lui, commence à infuser en nous. »

Bejin, Urumqi, Kashgar. A la faveur d’un voyage sur les traces d’Ella Maillart, la narratrice ne peut échapper au ressassement. De son monde à elle, et de la mort de Gaston, dix ans plus tôt à l’Asie brutalement modernisée, elle passe sans reprendre souffle. La violence sourde qui couve dans les rues de Kashgar lui fait revivre sans compassion celle qui existait dans son couple.

Pascale Kramer est née en 1961 à Genève, elle vit à Paris. Elle est notamment l’auteur de L'Implacable brutalité du réveil (Prix Schiller, Prix Rambert et Prix du roman de la Société des Gens de Lettres). Son dernier livre, Un homme ébranlé, est paru au Mercure de France en janvier 2011.

Postface de Florence Heiniger

 

 

 

L'Implacable Brutalité du réveil: extrait

I. Été 2004, Sherbourne Dr.

Tout était absolument calme. La surface presque immobile de la piscine berçait le reflet du ciel et des galeries. Alissa y poussa du bout du pied un sachet de bonbons que quelqu’un avait laissé traîner dans les galets le long du mur des remises. Presque nue dans ses bras, Una tétait, poings crispés. L’effort tuméfiait son visage de sang sous la curieuse constellation de points blancs qui affleurait autour du nez. Alissa se concentra sur le mâchonnement des gencives dont la sensation mouillée la troublait. Au creux de sa main se soulevait doucement la cage de côtes menues sur lesquelles plissait la chair. Leurs peaux collaient un peu. La petite devait avoir chaud elle aussi, mais Alissa ne se décidait pas à l’emmener à nouveau dans l’eau, son regard laiteux et son affolement de souris l’avaient frappée d’une conscience tellement angoissante du rien qu’était encore cette vie dont elle avait désormais la charge.

Le portable était resté à l’entrée du bassin, près de la palissade en bois qui cachait les poubelles sous une poussée de jasmins. Alissa l’avait posé là tout à l’heure pour que Richard puisse les entendre se baigner et les encourager de son rire râpeux comme une toux dans le mauvais écho du haut-parleur. C’était une heure plus tôt. Alissa n’avait parlé à personne depuis, il n’y avait pas eu le moindre mouvement derrière l’écran grisâtre des moustiquaires, comme si le temps se dévidait lentement au seul bruit de vibration des climatiseurs. Ils avaient emménagé la semaine précédente. Ses parents étaient venus les aider le week-end, le frère de Richard avait passé la soirée à monter les étagères et la nuit sur le canapé d’où il avait plaisanté tard à travers la paroi. Rien ne laissait présager alors qu’il n’y aurait personne dans la chaleur blanche et bleue de la résidence pendant les longues heures silencieuses qu’il faudrait passer auprès d’Una. Alissa était seule pour la première fois, à vingt-sept ans, seule comme on l’est quand personne ne vous regarde. Elle n’arrivait pas encore à mettre de mots sur le silence de cette absence de regards.Una s’endormait, le visage tordu dans le moelleux du sein. Alissa l’écarta délicatement et la coula dans la coque ronde du couffin en rajustant son maillot sur le mamelon durci. La mollesse ratatinée, désarticulée, du petit corps et le ballottement de la tête endormie lui procurèrent une sensation désagréable dans les mains. Il était à peine trois heures, l’air était sec. Un lourd scarabée chocolat survolait la chaleur des dalles dans un bruit très agressant de ventilateur. Alissa l’expédia loin d’elle d’un coup de magazine. Son humeur vacillait. Elle se releva de la serviette sans savoir que faire. La piscine était désormais dans l’ombre pour moitié, selon une diagonale crénelée au fond de laquelle le bleu plus sombre révélait des craquelures blanches. Alissa se glissa dans l’eau en creusant frileusement le ventre et traversa le bassin peu profond pour récupérer le téléphone qu’elle trouva d’une chaleur obscène. Sa mère ne l’avait toujours pas rappelée. Alissa voulut se rassurer que son oppressement venait de là : sa colère d’être soudain laissée dans un tel abandon. Elle se savait un droit à la colère contre sa mère, c’était un privilège inusable d’aimée. Dans l’inquiétude du moment, c’était un secours. Elle recomposa le numéro, tomba à nouveau sur la messagerie de sa mère où elle la pria de rappeler, vite, d’une voix où se faisaient bien sentir l’impatience et la plainte, malgré l’habituel baiser et je t’aime.

Lorsqu’elle ressortit du bassin, un homme aux épais cheveux sombres rabattus en arrière fumait en les observant de la rambarde du deuxième étage. Un discret dessin de ronces se mêlait à la toison éparse de son torse nu. Il la salua de la tête puis eut un mouvement de chat pour déplacer son appui d’un coude sur l’autre et lever sa cigarette en direction du couffin, en signe d’excuse ou d’interrogation. Alissa se contenta de hausser les épaules. Cette présence réveillait désagréablement sa vigilance. Elle se détourna pour nouer sa serviette, coinça les magazines sur le côté du couffin et remonta à l’appartement en surveillant les bords de la piscine par le jour entre les marches de l’escalier en colimaçon. La galerie sonnait creux sous ses pieds ; elle était éclatante de lumière, et Alissa eut l’impression d’un souffle sombre lorsqu’elle poussa la porte de chez elle. Leur appartement, tout au bout et perpendiculaire à la galerie, était le seul qui ne donnait pas directement sur la piscine. Le climatiseur se trouvait dans la chambre ; il mangeait la moitié de la fenêtre du côté de l’étroit passage où s’alignaient les containers à poubelles entre les immeubles. Du séjour à peine rafraîchi émanait une odeur doucereuse, insidieuse, qui ne venait pas d’eux, qui ne pourrait jamais être acceptable.