parution mars 2015
ISBN 972-2-88182-940-6
nb de pages 160
format du livre 140 x 210 mm
L'Ombre d'Hélène
résumé
L’Ombre d’Hélène est une minutieuse élucidation du cheminement créatif lié à la relation incessante de Pierre-Alain Tâche à Hélène, personnage romanesque de Pierre Jean Jouve qu’il admire passionnément.
Au fil d’un texte à la fois introspectif et manifeste poétique, l’essayiste parcourt les étapes qui ont scandé ses échanges avec cet être imaginaire : sont examinés tour à tour son lieu d’origine, son statut sexué, sa dimension mythique, son existence comme métaphore de l’écriture poétique.
Enfin, Tâche ne pouvait que ponctuer son ouvrage par une invitation à la découverte de ses derniers poèmes appelés par la figure sacrée d’Hélène. Le recueil La fausse Morte se lit avec bonheur, en écho avec l’essai foisonnant qui précède.
Pierre‑Alain Tâche, né en 1940, vit à Lausanne (Suisse). Juriste de formation, il est docteur en droit. Il fut magistrat judiciaire de 1981 à 2002 après avoir pratiqué le barreau pendant une dizaine d'années. Il se consacre désormais à l’écriture, tout en étant actif dans le mécénat culturel par le biais de diverses fondations. Il est l'auteur de plus d'une vingtaine de recueils de poésie, ainsi que de textes critiques.
dans Choisir
« Un homme, jeune encore (l’auteur), à la lecture d’un roman du poète Pierre Jean Jouve, qu’il admire beaucoup, se sent envahi par la présence de l’héroïne. L’histoire se passe en Haute-Engadine et à Soglio, Val Bregalia, vallées qu’il ne connaît pas encore. L’héroïne prend possession de son être intérieur et va l’obséder pendant des années. Il la cherche dans des villages valaisans où il passe des vacances, puis découvre enfin l’Engadine et son air d’une transparence à nulle autre pareille. Il se penche sur la tombe décrite par Pierre Jean Jouve, et la morte et son jeune amant l’environnent.
La première partie du livre, écrite en prose, est une tentative de comprendre cette obsession à travers psychanalyse, lectures, réflexions intenses et interrogations du mystère. Il dira d’Hélène qu’elle est un seuil parce qu’en elle s’effectue “le passage du monde profane au monde sacré”, et que la rencontre d’Eros et de Thanatos provoque à chaque fois une étincelle céleste comme une irruption dans l’air du sacré. Pour l’auteur, elle est Juliette, Yseult, Ophélie. La deuxième partie est un long et splendide poème sur cette morte : Hélène.
Livre prenant, obsédant, que vous ne quittez plus dès que vous l’avez ouvert. J’ai tenté de le faire … parfois agacée par une telle obsession, mais n’y suis pas parvenue ! Pourtant, l’auteur nous invite à comprendre qu’un personnage, aussi fictif soit-il, n’est jamais qu’un morceau intime de nous-mêmes. »
Marie-Luce Dayer
dans La Nouvelle Quinzaine Littéraire
« (…) S’il fallait indiquer un genre auquel appartiendrait le livre de Pierre-Alain Tâche, on pourrait sans doute évoquer (bien vaguement, j’en conviens) un exercice d’introspection, ou une poétique de soi-même. Non pas un soi enfermé dans son pré carré, sa tanière, dans son passé et son devenir, mais ouvert, disponible, perméable. “En réalité, chaque lecteur est quand il lit le propre lecteur de soi-même.” Cette phrase du Temps retrouvé de Proust, citée par l’auteur, donne l’exacte dimension de l’ouverture en question.
Pour rendre justice à ce travail, il faut aussi parler de la puissance d’une rencontre. Rencontre intime, presque amoureuse, mais avec un être fictif, de papier. Rencontre décisive cependant, comme peut l’être celle d’une personne réelle. (…)
“Tombé sous le charme d’Hélène”, Pierre-Alain Tâche va donc progresser, à pas lents et attentifs, au rythme d’une interrogation centrale pour lui, vers sa figure, sa présence corporelle. (…)
Pour Pierre-Alain Tâche, tout le cheminement (pas seulement métaphorique) vers la figure de cette femme « dispersée » dans le paysage mène en un lieu précis, personnel. Lieu d’écriture, et solidairement de lecture, que Jouve définissait ainsi : “Un personnage n’est jamais qu’un morceau intime de nous-même, et notre œuvre, quelle qu’elle soit, est une confession qui subit une métamorphose”. “Métamorphose” que le lecteur connaît donc lui aussi, à son propre niveau. (…) »
Patrick Kéchichian
La Quinzaine littéraire
« (…) S’il fallait indiquer un genre auquel appartiendrait le livre de Pierre-Alain Tâche, on pourrait sans doute évoquer (bien vaguement, j’en conviens) un exercice d’introspection, ou une poétique de soi-même. Non pas un soi enfermé dans son pré carré, sa tanière, dans son passé et son devenir, mais ouvert, disponible, perméable. “En réalité, chaque lecteur est quand il lit le propre lecteur de soi-même.” Cette phrase du Temps retrouvé de Proust, citée par l’auteur, donne l’exacte dimension de l’ouverture en question. (…) » Patrick Kéchichian
Le Temps
« (…) Mais l’exercice peut aussi se pratiquer “à froid” et devenir une invitation à lire le roman de Jouve (avec le recueil Matière céleste, son prolongement voire sa conclusion poétique) et à s’élancer dans la poésie de Pierre-Alain Tâche, placée sous le signe de l’éveil à l’instant, au monde. Judicieusement, à la fin de L’Ombre d’Hélène, Pierre-Alain Tâche joint cinq poèmes qui font écho aux développements tout juste tenus. (…) » Lisbeth Koutchoumoff
Espace 2
Pierre-Alain Tâche était l'invité d'"Entre les lignes" sur Espace 2 pour parler de son dernier ouvrage, L'Ombre d'Hélène.
La Gruyère
« (…) Il passe aussi par le mythe et relève à quel point ce personnage se retrouve lié à la poésie. “Hélène m’a ouvert à la connaissance de moi-même”, écrit-il avant d’ajouter qu’elle “est une médiatrice instaurée au-devant de ‘l’improbable’ ”. Cet essai aussi vivifiant qu’élégant se prolonge avec La fausse morte, ses récents poèmes autour de cette Hélène dont la “liberté fut celle d’un ruban / dans le souffle tombé des lacs” » Eric Bulliard
24 heures
« (…) La plume élégiaque de l’auteur de L’élève du matin, publié en 1978 par Bertil Galland, de Reliques (La Dogana, 1997) signe cette année six poèmes en vers libres que précède un essai introspectif, à prosodie élégante et aérienne. (…) Sa poésie est d’abord une quête de signes, de rencontres imprévisibles. » Gilbert Salem
L'Hebdo
« (…) L’ombre d’Hélène est un livre dense, touffu, savant, obscur, cérébral, compliqué, mais un livre passionnant parce qu’il tente de toucher au plus vrai, au plus intime, ce qui se passe dans la psyché humaine lorsqu’elle est ainsi touchée par une figure poétique. (…) » Isabelle Falconnier
L'Idée contre l'image (2013)
Le discours est entré dans l’art comme un ver dans le fruit. Tel est le constat de l’auteur qui visite, depuis longtemps, les musées et les expositions où s’affiche l’art contemporain. Le regard qu’il porte sur ce qu’il voit reste celui d’un amateur – et il tient à ce statut, souhaitant rester capable de comprendre l’œuvre en tant que ce qu’il est : un dilettante. Or, de plus en plus souvent, il se trouve confronté à des œuvres dont il faut avoir lu l’argumentaire pour espérer les voir vraiment et, peut-être, les comprendre. Leur part visible, alors, étouffe sous le texte, n’arrive plus à exister seule, échoue à donner un sens par elle-même. De quoi susciter quelques interrogations...
L'Air des Hautbois (2010)
Une des plus anciennes mélodies d’Europe originaire du Portugal, la Folia, a connu son apogée d’abord en Espagne au XVIe siècle puis sur tout le continent. De nombreux musiciens s’en sont inspirés pour des variations célèbres, dont Corelli et Marin Marais.
Dans ces variations en prose, L’Air des hautbois agit comme un souvenir premier. Cette musique peut surgir n’importe où, dans la chapelle d’un village valaisan, au milieu d’un vignoble de la plaine du Rhône, au Pavillon Vendôme d’Aix-en-Provence lors d’un «distingué congrès de psychanalystes» où le hasard a conduit l’écrivain. Y a-t-il une relation entre la Folia et la folie ?
L’art de ce livre est de ne pas répondre mais de raconter l’histoire d’une mélodie qui a inspiré plus de cent musiciens tout en faisant vibrer l’univers intime d’un écrivain, comme si celui-ci cheminait avec son ami lecteur, échangeant avec lui ses goûts sur la littérature, la musique, les villes et la nature.
L'Ombre d'Hélène: extrait
Il y a beaucoup à apprendre, me semble-t-il, de l’examen des causes et des raisons, plus ou moins obscures, qui ont fait qu’un jour le personnage imaginé par un romancier vous interpelle si fortement qu’il finira bientôt par vous investir pour ne plus vous lâcher. Or, j’ai vécu, il y a bien longtemps, une mainmise. elle a laissé des traces. et j’éprouve aujourd’hui le besoin de me demander par quel prodige, par quelle « transaction secrète », une créature inventée, qui réclamait réponse, s’est muée en présence à laquelle je n’ai pas su ou peut-être pas pu refuser une oreille attentive, m’exposant ainsi à devoir lui rendre compte, à ma manière, de l’écho qu’elle avait suscité.
J’ai été et je reste préoccupé d’Hélène, de l’Hélène de Pierre Jean Jouve, puisque c’est d’elle dont il s’agit. mais la relation singulière que j’entretiens avec elle tend à perdre en intensité ce qu’elle pourrait gagner en signification. il appartiendra dès lors à l’écriture de la conduire non tant à son terme qu’à un niveau de sens acceptable. Le fait que je puisse, aujourd’hui, me retourner avec détachement sur cette étrange expérience relationnelle devrait faciliter une entreprise d’introspection dont l’issue, cependant, demeure imprévisible. et pourtant, j’aspire vraiment à tenter de savoir ce que cette longue fréquentation de l’imaginaire d’autrui aura mis en œuvre au fond d’un inconscient porté au fantasme ordinaire. sans qu’il y ait, pour autant, de justification à donner ou de réponse péremptoire à apporter.
une chose encore : je ne doute pas que l’expérience d’Hélène, que son questionnement insistant qui, de livre en livre, aura laissé comme un fil rouge dans mes propres écrits, n’ait été positive et féconde. L’écoute qu’exigeait (et sans même avoir ouvert la bouche) une héroïne à plus d’un titre exemplaire m’a beaucoup appris sur moi-même – et à moindres frais. La tutelle était pleinement consentie, tant il est vrai qu’il n’eût tenu qu’à moi d’y échapper. il m’eût suffi, pour cela, de refuser de lui prêter ma plume. Or je n’aurai jamais cessé d’en tenir la chronique à grand renfort de vagues intuitions et de réponses incertaines que tentait d’apporter l’inévitable oracle de poèmes dont je conçois aisément qu’ils aient pu décontenancer le lecteur.
J’entends rassembler ici ce que je sais d’Hélène pour faire, en quelque sorte, le récit de ce qui m’est arrivé; ce qui impliquera de me mettre en miroir, à mon tour, sur le modèle de Jouve! en regard constant de ses livres, la mémoire et l’esprit d’analyse seront convoqués pour interroger le reflet d’une glace dont le temps a rongé l’étamage dans laquelle je me vois comme en retrait d’une mystérieuse instance féminine, dont on ne finit pas d’interroger la figure et les sortilèges.