parution octobre 2017
ISBN 978-2-88927-488-8
nb de pages 352
format du livre 140x210 mm

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Sébastien Meier

L'Ordre des choses

résumé

L’ex-inspecteur Paul Bréguet a disparu. Désormais seule, son acolyte la procureure Emilie Rossetti décide d’aller jusqu’au bout de la très trouble affaire Romain Baptiste, en dépit des ordres de sa hiérarchie. Alors que les puissants de ce monde, avec à leur tête le richissime trader Beat Flückiger, se réunissent à Lausanne pour ouvrir un congrès mondial sur le négoce des matières premières, Emilie, en cavale, doit évoluer en marge pour conduire cette guerre souterraine, au dénouement imminent.

Après Les Ombres du métis (2014, prix Lilau 2015) et Le Nom du père (2016), Sébastien Meier pousse toujours plus loin son talent pour croquer des personnages à la profondeur saisissante. Il emmène le lecteur avec la même aisance dans les boîtes de nuit échangistes des années 1990, les bureaux aseptisés des multinationales ou les entrailles high-tech du darkweb.

Un roman à lire isolément ou comme conclusion à la trilogie autour de Paul Bréguet.

biographie

Né en Suisse romande en 1988 où il grandit, Sébastien Meier s'intéresse tôt et de près à la littérature. Son parcours éclectique passe par une maison d'édition, Paulette, qu'il fonde à l'âge de 22 ans, et publie une quinzaine d'ouvrages en 3 ans. En parallèle, il co-fonde un collectif des arts de la scène (Collectif Fin de Moi), avec lequel il signe deux mises en scènes. Il s'investit également quelques temps au sein du bimensuel La Cité, émanation romande de la Nouvelle presse. Il s’est vu récompensé par le prix Lilau 2015 de la Ville de Lausanne pour son précédent roman, Les Ombres du métis. Sebastien Meier partage aujourd’hui sa vie entre l’écriture et le flamenco en Espagne.

RTS - la première

Sébastien Meier était l’invité de Lydia Gabor dans l’émission "Entre nous soit dit" pour parler de sa trilogie policière, que clôture son roman L'Ordre des choses.

A réécouter ici

La Côte

"A lire séparément ou en conclusion à sa trilogie autour de Paul Bréguet, « L’ordre des choses » de Sébastien Meier respecte les règles du genre tout en tirant quelques beaux portraits. Protégé en haut lieu grâce à son travail de blanchiment pour la mafia, Albert Karpa profite de sa liberté malgré l’épais dossier de l’inspecteur Jules Mourrier et du juge d’instruction Constant Bonnard. Mais son euphorie est de courte durée, et il se fait exécuter dans les règles de l’art, avec du suspense, et surtout une torture savamment dosée et très subtilement passée sous silence. Les lecteurs qui préfèrent la tension psychologique aux cascades d’hémoglobine apprécieront. [...]" Laurence de Coulon

RTS

Sébastien Meier dans Versus-Lire, à réécouter ici

La Liberté

Sébastien Meier "conclut sa trilogie en plongeant dans les eaux troubles du négoce international avant d’offrir son dénouement explosif. […] Il faut reconnaitre à l’auteur une belle finesse psychologique dans la caractérisation de ses personnages, un réel talent pour ancrer son propos dans la topographie de la capitale vaudoise. […]." Thierry Raboud

24 Heures

"L’écrivain lausannois clôt avec « L’ordre des choses » la trilogie débutée avec « Les ombres du métis ». […] Le romancier développe une intrigue complexe, qui prend le temps de jeter un éclairage nouveau sur les volumes précédents et d’approfondir les personnages. Ce qui n’empêche pas le suspense, et une scène finale haletante." Caroline Rieder

paperblog

"L'auteur […] est à l'aise pour décrire des milieux et des lieux très différents, de même que les ombres et lumières de ses personnages, petits et grands, qui, parce qu'ils ne sont ni tout noirs ni tout blancs, restent humains; et il sait maintenir jusqu'au bout l'addiction du lecteur pour son récit, quand bien même la noirceur y domine." Francis Richard

Le Nom du père

Paul Bréguet, ancien inspecteur de police, sort de prison après plus de deux ans de détention. Avec l’aide de la séduisante procureure Emilie Rosetti, l’ex-flic torturé décide d’élucider le mystère qui entoure la mort étrange de son amant Romain Baptiste. Réseaux de prostitution, évasion fiscale et corruption vont donner du fil à retordre aux deux détectives, qui découvrent des affaires gênantes, voire dangereuses pour la survie de la Confédération helvétique. Et pour eux.

Dans ce polar qui jette une lumière crue sur la Suisse des banques et les montages fiscaux, Sébastien Meier reprend avec brio les personnages saisissants de son précédent ouvrage, Les Ombres du métis. Leurs faiblesses résisteront-elles aux pressions de ceux qui veulent taire la vérité ?

Les Ombres du métis

 

« Paul Bréguet, ancien flic ». C’est ainsi que l’ex-inspecteur se présente au Pasteur Manuel à qui il s’apprête à parler pendant de longues heures. Il tentera de tout lui raconter, de se souvenir de tout, de comprendre lui-même ce qui lui est arrivé depuis un an : pourquoi, aujourd’hui, il se retrouve derrière les barreaux. La vérité est difficile à dire, le pasteur vite captivé, trop captivé, finira par se protéger lui aussi de son interlocuteur attachant, mais un peu effrayant à force de retournements, contradictions et engouements.

L'Ordre des choses: extrait

« C’était un grand homme, votre père. »

C’était la septième fois qu’on l’en assurait. Il avait remarqué de notables différences dans la conviction avec laquelle la phrase était énoncée. Elle suintait, doucereuse, chez ceux qui tentaient de justifier leur présence au buffet – le petit notaire moustachu, la rombière sur le déclin, le vieux coquet. Et devenait péremptoire chez les assujettis qui avaient, grâce à Francis Crosier, quitté leur condition de petits bourgeois ambitieux pour devenir de grands cons satisfaits.

« Il est parti trop tôt » était au deuxième rang des poncifs qu’on lui servait à volonté. « Il », le père, était mort dans un accident de ski au-dessus de Gstaad, emporté par une avalanche qu’il avait lui-même déclenchée et qui avait coûté la vie à trois personnes, dont deux secouristes. Le grand homme était désormais six pieds sous terre dans un cimetière de Lavaux.

Jacques-Edouard était planté au milieu du grand salon, dans le manoir familial. Sa cravate, son costume, ses chaussures, tout semblait rétrécir. Quatre serveurs appliqués suaient la perfection derrière une longue table sur laquelle s’alignaient vins de la région, charcuterie et fromage. Il y avait de quoi nourrir pour la semaine la double centaine d’invités. Jeanine, la secrétaire zélée de feu son père, une pimbèche d’un mètre soixante-cinq, les cheveux blonds tirant sur le roux, la peau blême parsemée de taches de rousseur, s’était probablement chargé de l’organisation. Elle avait harcelé Jacques-Edouard de téléphones dramatiques, s’étalant en condoléances – sans doute réellement peinée par l’incertitude professionnelle dans laquelle la plongeait le départ de Francis.

Il s’éloigna du buffet, résistant au vin blanc, se fraya un difficile chemin entre les invités. Ils abattaient sur ses épaules des mains huileuses de compassion et de salami. Les moues peinées étaient trop volontaires, l’affliction trop visible pour être honnête. Lorsqu’il atteignit enfin la terrasse, l’air vivifiant lui rendit quelques couleurs. Il descendit les escaliers menant au jardin et alla se perdre dans les bosquets. Des gémissements discrets glissaient à travers les lauriers touffus. Il aperçut Jeanine se régalant de la verge chevaline d’un serveur en pause. Il fit demi-tour et, à l’extrémité du parc, parvint à trouver un recoin solitaire, sortit de la poche intérieure de sa veste une fiasque de vodka, vidée de moitié durant la cérémonie funèbre.

Jacques-Edouard avait passé son enfance dans des internats d’écoles privées. Francis Crosier et sa femme, Angelica Flückiger, avaient toujours été pour lui des personnages énigmatiques. Élégants, souriant à tout, gloussant souvent. Lorsque leur fils était en vacances, ils partaient en voyage, sans lui. Lorsqu’il rentrait pour le week-end, ils organisaient des réceptions avec des dizaines d’invités triés sur le volet. Des écrivaillons, des journalistes, quelques scientifiques, des politiciens, toute une ribambelle de dents blanches qui passaient leur soirée à se sourire et à bouffer, s’éternisant dans des conversations creuses saturées de grands mots.

 

Il dégaina une cigarette, la lécha puis la saupoudra de cocaïne. Il recrachait la première bouffée lorsqu’une silhouette s’approcha. Son oncle, Beat Flückiger, n’était pas du genre à profiter des mondanités. Le milliardaire était un homme sans joie – sa présence dans les dîners plombait immanquablement l’ambiance. Il s’en était parfois excusé, puis avait simplement décidé de renoncer aux obligations familiales, à l’exception du réveillon de Noël. On avait ainsi départagé les univers : les relations mondaines d’un côté, professionnelles de l’autre. Francis avait essayé de faire bouger les lignes et d’intégrer la marche des affaires. Mais entre les beaux-frères, l’entente était de façade. Après une brève tentative, il avait finalement été plus judicieux pour Francis de battre en retraite. De toute manière, il ne faisait pas le poids, Beat l’aurait aisément réduit en cotillons et il le savait. Dans la famille, personne d’autre n’avait le droit d’approcher le business.

Jacques-Edouard se raidit lorsque le petit homme planta sa carcasse à ses côtés. Il avait appris avec le temps à se concentrer sur sa respiration, à ne plus suffoquer. Mais qu’est-ce qu’il a encore, cet enfant, disait toujours sa mère. Il est trop sensible. On va lui faire voir un médecin. On avait finalement préféré l’envoyer en internat.

Beat posa une main sur le bras de Jacques-Edouard, sourit faiblement. Je suis trop vieux, se souvint l’orphelin.

– Je suis désolé pour ton père, chuchota l’oncle.

Il n’y eut qu’un silence. Bien trop compact pour y glisser un remerciement. Depuis longtemps, Jacques-Edouard était oppressé par le mutisme qui l’envahissait en présence de Beat. Le souvenir des phalanges rachitiques le paralysait. L’enfant qu’il avait été savait encore aujourd’hui qu’espérer des mots était un tort : il n’y aurait jamais de brèche. Il aurait fallu oublier. Il n’avait pas pu, c’était un échec. Je suis grand maintenant, se répéta Jacques-Edouard et, cherchant au fond de lui un courage qu’il n’avait jamais trouvé, essaya une fois encore de briser la cloche de verre qui s’était abattue sur lui ; mais aucun son ne sortit. Il tira une profonde latte sur sa cigarette, implorant le ciel pour qu’Angie fasse de lui un homme courageux. Il lui aurait fallu une minute, deux peut-être.

– Tu passeras me voir dans mon bureau, asséna Beat en tapotant l’épaule de son neveu. Nous avons des choses importantes à régler. Tu tâcheras d’être sobre. 

Tout courage disparut, Jacques-Edouard hocha la tête comme un morveux, baissa les yeux, aspira encore une bouffée de tabac. Sa main tremblait. Flückiger s’éloigna de son pas décidé de pitbull en costume trois pièces. Pleurer serait trop lâche.

Les corbeaux avaient colonisé le sommet d’un peuplier, de l’autre côté du parc. Ce soir-là, il y avait aussi eu des corbeaux – il s’était concentré sur leurs croassements rauques, avait rêvé d’être couvert de plumes, et de s’envoler. Mais il était resté un enfant que des mains osseuses agrippaient.

Il aurait voulu revenir à la réception et, à grands coups de hache, massacrer la totalité des convives. Il acheva plutôt la fiasque de vodka, sortit de sa poche ce qu’il lui restait de cocaïne, le sniffa maladroitement. Les corbeaux avaient disparu et l’absence de leurs rires lui rendit toute sa solitude.

Il retourna quelques minutes plus tard à la fête. Lorsqu’il entra, les invités cessèrent leurs discussions – ultime décence. Des centaines d’yeux se posèrent sur lui. Pauvre garçon, chuchotèrent-ils. Quel drame. Il vira tout le monde en gesticulant. Choqués – mais compréhensifs, dans un moment pareil – ils acceptèrent de renoncer au dessert et sortirent progressivement. Lorsque le grand salon fut vidé, il ne resta plus que les serveurs qui débarrassaient en picorant les restes. Jacques-Edouard se coucha sur le parquet et entendit, de l’extérieur, des voix prendre rendez-vous pour un golf, puis suggérer qu’on poursuive tout de même l’apéro ailleurs.