parution juin 2008
ISBN 978-2-88182-616-0
nb de pages 336
format du livre 140 x 210 mm
prix 36.00 CHF

où trouver ce livre?

Etienne Barilier

La Fête des lumières

résumé

 

À dix-huit ans, nous étions tout bouclés, terminés, emballés, prêts à l’expédition dans le temps, prêts pour le pensum répétitif des années. Nous n’avons fait dès lors que tirer la conséquence de nous-mêmes, ou la traîner plutôt, comme l’escargot traîne sa bave.

La Fête des lumières est un récit tendu entre deux moments, et deux générations : 1968 et 2001. L’histoire se passe à Lausanne, à Paris et au Japon, au cœur d’un groupe d’amis qui, à dix-huit ans, assistent de loin aux événements de mai – et d’août – 1968. Deux d’entre eux sont amoureux de la même camarade, Sophie, héroïne évanescente mais inquiétante, habitée par ses lointaines origines japonaises.

Quarante ans plus tard, ils se retrouvent tous, lors d’une fête où ils se jaugent, observent leurs amours et leurs enfants, leurs idées d’hier et d’aujourd’hui. Engagés à droite ou à gauche, jouisseurs ou cyniques, idéalistes ou réalistes, passionnés ou calculateurs, ont-ils changé ? Un drame, qui frappe la jeune génération, vient leur révéler durement que le monde, lui, s’est transformé.

biographie

Né en 1947 à Payerne, Etienne Barilier a passé son enfance à Vufflens-la-Ville. Ses études classiques latin-grec aboutissent à un doctorat ès lettres à Lausanne et à la publication de son premier ouvrage, Orphée, en 1971. Son œuvre compte, en 2018, une cinquantaine d’ouvrages, romans ou essais littéraires et musicaux. Étienne Barilier a été chroniqueur de télévision pour le Journal de Genève de 1981 à 1988. De 1991 à 2003, il tient à L’Hebdo une chronique bimensuelle, puis hebdomadaire. Dès 2005, il collabore régulièrement à la revue ArtPassions. Professeur émérite à l’Université de Lausanne, il est également traducteur (de l'allemand, de l'italien, de l'anglais et du latin).

Que savons-nous du monde?

Grâce aux médias contemporains, le monde tout entier, à tout instant, nous est présent. Cela signifie-t-il que nous le connaissons mieux qu’auparavant ? Journalistes en tête, nombreux sont ceux qui craignent au contraire que l’information véritable ne survive pas à l’ère d’Internet.

Les médias contemporains, c’est vrai, aggravent les défauts des médias de toujours : ils menacent de faire de nous des êtres irrationnels, sans mémoire, sans histoire, sans projet. Ils reflètent, donc intensifient toutes les contradictions d’une civilisation, la nôtre, qui condamne le progrès mais adore la technique informatique ; qui s’enthousiasme naïvement pour la révolution arabe, mais renie inconsciemment son propre humanisme.

Les médias, qui devraient servir notre mémoire, servent souvent notre oubli. Mais rien n’est inéluctable. Nos moyens d’information, y compris Internet, sont et seront à notre image. Si nous gardons l’esprit critique, rien n’est perdu.

E.B.

Piano chinois

Au cours d’un festival d’été, dans le sud de la France, une jeune pianiste chinoise joue Scarlatti, Brahms et Chopin. Subjugué, un critique musical salue en elle la plus grande pianiste d’aujourd’hui. Un autre critique, ironique et distant, dénonce chez la même interprète un jeu sans âme, fait d’artifice et d’imitation.

Les deux journalistes se disputent à grand renfort de blogs et de courriels. Ils se connaissent de longue date, et leur querelle esthétique se double d’un conflit plus intime. Choc des egos plutôt que de civilisations? Si l’on peut parfois le soupçonner dans leurs échanges de plus en plus vifs, on découvre aussi dans ce livre une réflexion sur la musique occidentale : pourquoi jouit-elle d’un tel prestige en Extrême-Orient ? L’Europe est-elle en train de se faire voler son âme, ou de la retrouver sous les doigts d’une pianiste chinoise ?

 

 

Un Véronèse

Théo a 17 ans et tombe amoureux, d’un amour éperdu et double. Anne l’attire avec ses regards sournois, les vols qu’elle commet quasiment sous ses yeux, sa souplesse et ses réactions agressives face à ses parents ; Anna, qui pourrait avoir l’âge de sa mère, le bouleverse par sa beauté et la manière somptueuse de suggérer une vie de souffrance. Cela se passe un été des années soixante entre deux hôtels du Lido près de Venise.

Comment choisir entre ces deux femmes, mais surtout, pourquoi choisir ? L’atmosphère de ce roman est haletante, étrangement violente et engourdie dans le même temps. Chacun aura ses blessures, la mystérieuse Anna et Anne l’insoumise, Théo dont le flegme n’est qu’apparence n’en sortira pas indemne.

 

 

Ils liront dans mon âme. Les écrivains face à Dreyfus

 

Lorsqu’Alfred Dreyfus, le 5 janvier 1895, fut dégradé sur la place publique, plusieurs écrivains assistaient à la scène. Certains, comme Maurice Barrès et Léon Daudet, virent en Dreyfus le traître parfait. D’autres, cependant, pressentirent son innocence. Pourquoi ?

Pourquoi Zola, Proust, Martin du Gard, Anatole France, Charles Péguy devinrent-ils des dreyfusards ? Et comment le furent-ils dans leur œuvre littéraire ?

Car ils ne se sont pas seulement engagés en tant qu’ « intellectuels » qui défendent une cause. Ils ont pris l’Affaire en charge dans leur œuvre de romanciers ou de penseurs. Un écrivain, ils l’ont prouvé, n’est pas seulement un styliste ou un fabricant de fictions divertissantes ; il peut aussi être un diseur de réalité, un chercheur de vérité. Pourquoi ? Comment ? Le présent essai tente d’approcher cette énigme.

Mozart, Casanova (2006, Minizoé)

Mozart, Casanova

 

Les deux nouvelles de ce petit volume mettent en scène Mozart enfant et Casanova déclinant. Comment se comporte un génie de dix ans, avant, pendant et après un concert, par exemple celui de Lausanne, en 1766 ? Nous le saurons à la lecture de la lettre retrouvée d’un témoin privilégié. Et Casanova, qui a séjourné dans cette même cité peu d’années avant Mozart, qu’y a-t-il fait de singulier dont ses Mémoires ne parlent guère ? Nous le découvrirons en suivant à la trace, un soir de fête, un homme d’aujourd’hui qui lui ressemble trait pour trait.

Posface de Manon Bruyère

La Chute dans le Bien

 

L’Europe n’a plus conscience d’être une civilisation. Au nom de ses crimes anciens, elle a renié le meilleur d’elle-même. Mais en ce début de XXIe siècle, elle n’a plus rien à renier parce qu’elle a tout oublié. Appauvrie et démunie, elle veut être bien avec tous ses voisins, proches et lointains. Elle veut surtout faire le Bien : nos artistes, nos politiques, nos médias, et jusqu’à notre langage, sont maniaques de la vertu.

Hélas, c’est la vertu des faibles. Notre Bien est peureux, négatif, superficiel, et surtout il est vide. Et si, au lieu de vouloir être bons, nous essayions d’être nous-mêmes ? Et si, face aux grandeurs des autres civilisations, nous songions à notre grandeur propre, qui n’est pas de chercher la perfection, mais de nous vouloir perfectibles, et de chercher le bien sans jamais quitter des yeux la beauté ni la vérité ?

Ma seule étoile est morte

 

Etienne Barilier est l’auteur d’une vingtaine de romans, où la musique est souvent présente. Il est également l’auteur de deux essais consacrés à des thèmes musicaux (Alban Berg, essai d’interprétation et B-A-C-H, histoire d’un nom dans la musique). 

L'Ignorantique. L'Ordinateur et nous

 

«Il faut se pénétrer de l’idée que l’Aide, dans l’univers de l’informatique grand public, est purement factice. Elle fait penser à ces aliments en plastique ou en carton-pâte qui permettent aux petites filles de jouer à l’épicière. Mais les petites filles savent bien qu’elles ne peuvent pas manger ces objets.»

Ici, l’auteur raconte les découvertes et mésaventures de l’usager moyen, et se demande comment faire pour que l’informatique et Internet, inventions géniales, ne servent pas à fabriquer des ignares et des aliénés. Comment éviter d’être les esclaves de ces machines. Bref, comment faire de l’ordinateur un domestique plutôt qu’un tyran.

L'Enigme (2003, Zoé poche)

L'Enigme

L'Enigme (2001)

L'Enigme

Le Dixième Ciel (2001, Zoé poche)

Le Dixième Ciel

La Fête des lumières: extrait

 

 

De tous ces événements, Rita n’est qu’un témoin. Mais elle en connaissait les protagonistes, ses camarades et ses amies. Elle s’en veut, elle s’en voudra toujours de n’avoir pas su prévenir les drames. Tout n’était-il pas prévisible dès l’époque de leurs dix-huit ans, en 1969 ? Voisine de Sophie sur les bancs de l’école, elle avait constaté, avant même l’intéressée, que les deux garçons assis derrière elles éprouvaient un même sentiment pour cette fille secrète, aux traits fins et réguliers, aux pommettes et aux yeux qu’on disait « asiatiques », au visage doux et fermé. Rita trouvait Sophie plutôt belle, et visiblement c’était aussi le cas de Marc et de Blaise. Mais les autres garçons et filles de la classe ne semblaient pas frappés de cette beauté. Ils ne regardaient pas Sophie, même à la dérobée ; ils évitaient sa compagnie.

 

C’est qu’elle avait des comportements parfois étranges. Il lui arrivait de répondre aux maîtres sur un ton brusquement hostile, qui alertait tout le monde. Le professeur préférait en général ignorer l’incident, et se tournait vers un autre élève. Mais l’atmosphère de la classe en était alourdie. Parfois, Sophie se montrait expansive, inopinément ; elle interpellait ses camarades, discutait avec volubilité, comme si elle n’avait jamais fait que cela. Elle annonça même un beau jour qu’elle inviterait toute sa classe à la fin de l’année, pour fêter le bac : elle habitait une villa, au-dessus du lac. Est-ce que vous serez de la partie ?

 

Rita ne savait pas grand-chose de sa voisine, peu bavarde et même taciturne, mais qui semblait l’apprécier et lui donner un brin de confiance : un jour, inopinément, dans le chuchotis d’une fin de récréation, au moment où le maître faisait son entrée dans la classe, elle en dit davantage : elle avait perdu père et mère, tous deux médecins, dans un accident de voiture, alors qu’elle était âgée de treize ans. Son oncle et sa tante, soeur de sa mère, étaient venus habiter la villa de ses parents, à Lutry. Sophie laissait entendre qu’elle ne les aimait pas, et qu’elle se réjouissait du moment, très proche, où ils quitteraient les lieux.

 

Rita, sans effort, était la première de la classe. On la respectait parce qu’elle ne jouait pas les fortes en thème. Les garçons, avec elle, étaient aussi corrects qu’indifférents. À l’évidence, ils la considéraient comme un camarade de leur sexe, ou plutôt comme un être sans sexe. Rita savait tout, faisait tout à la perfection ; c’était, croyaient-ils, un esprit que son corps banal et plutôt lourd laissait en paix. Faut-il le dire, Rita elle-même était assez loin de partager leur opinion. Et fort loin de se trouver en paix. Mais il est vrai que sa douleur, même à dix-huit ans, était déjà presque sereine. L’un des voisins de derrière, pourtant, ce Marc qui regardait Sophie avec des yeux terribles, elle aurait voulu qu’au moins il lui accorde un minimum d’existence. Elle n’en voulait pourtant pas à Sophie, d’autant moins que sa bizarre voisine ne faisait rien pour séduire quiconque, et battait des paupières puis détournait la tête lorsque, durant les récréations, elle se sentait trop regardée.

 

Blaise et Marc se posaient donc en adorateurs muets de Sophie. Les autres élèves, tout autour d’eux, vivaient leur vie. Thomas, le joyeux luron de la bande, cherchait à distraire le duo transi, en l’invitant à des parties de billard électrique, dans un petit bistrot bien enfumé, en face de l’école, au cœur de la vieille ville, et qui s’appelait le Presbytère. Thomas le désignait comme « Le Presbyte erre », et corsait parfois ses jeux de mots. Pendant ces joutes de tac-tac auxquels les deux soupirants participaient surtout par politesse, des groupes de filles (dont Sophie ne faisait jamais partie, ni Rita), toraillant goulûment, choisissaient les disques du juke-box. C’était un Wurlitzer pour futurs intellectuels, avec des chansons dont le niveau ne tombait guère au-dessous de Catherine Sauvage, et quelques pièces classiques, comme un mouvement lent de Brahms, pour sextuor à cordes. Tel un brave cheval dans le flot des voitures, la mélodie brahmsienne allait son chemin malgré les tintements métalliques de la balle de billard électrique, et les jurons des garçons qui « secouaient la commode». Il fallait procéder avec une brutalité avertie et précise si l’on voulait infléchir la course de la bille en évitant le tilt qui sanctionnait les coups trop violents, et pour tout dire, la tricherie. Le joueur victime du tilt au tac-tac était à la fois furieux de l’échec et fier de son excessive virilité.