parution février 2015
ISBN 978-2-88182-937-6
nb de pages 256
format du livre 105 x 150 mm

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Roland Buti

Luce et Célie

résumé

Luce et Célie, c’est l’histoire de deux femmes, nées dans l’Entre-deux-guerres, que la vie n’a pas épargnées. L’existence les réunit auprès d’un homme, Jean, mari indigne pour l’une, maître tyrannique pour l’autre. Qu’advient-il lorsqu’au cœur des années 1960 et de l’irruption de la société de consommation, ces femmes brimées rompent les barrières sociales pour se venger de leur oppresseur ?

 

« Elle ressent en elle un vide parce que tout le temps qu’elle aurait dû consacrer à Maurice, des heures et des heures de caresses, des jours et des jours de tracas, des années et des années de prévenance, s’est d’un seul coup évanoui. Que va-t-elle bien pouvoir faire désormais de ces heures sans usage ? »

biographie

Né à Lausanne en 1964, Roland Buti y fait des études de lettres et d'histoire, qu'il achève en 1996 par la rédaction d'une thèse remarquée sur l’extrême droite en Suisse entre 1919 et 1945. Après un recueil de nouvelles, Les Ames lestées, parues en 1990, il publie en 2004 Un Nuage sur l'œil, premier roman couronné par le Prix Bibliomédia Suisse 2005 et retenu dans la Sélection Lettres frontière 2005. En 2007 paraît Luce et Célie, puis en 2013, c'est Le Milieu de l’horizon, un texte couronné de nombreux prix littéraires (Prix suisse de la littérature 2014, Prix du public RTS 2014), traduit dans sept langues et adapté au cinéma en octobre 2019.

Grand National (poche)

Roland Buti a l’art de nous mettre tout contre ses personnages, de nous les rendre familiers de manière tactile, concrète et sensuelle. Le corps, le visage, les mouvements de chacun, la nature et les émotions sont saisis avec une infinie douceur, en dépit de la violence ou du comique des scènes.

Ainsi est-on plongé, avec Grand National, dans la vie de Carlo, en crise : sa femme Ana l’a quitté, sa mère s’est réfugiée dans un palace d’où elle refuse de sortir, et son employé encaisse un passage à tabac pour des raisons mystérieuses.

Avec Carlo, le lecteur va ressentir physiquement le manque et l’intime connaissance qu’il a d’Ana, appréhender la violente et récente histoire des Balkans, découvrir enfin le passé romanesque de sa mère pendant la Deuxième Guerre mondiale et son lien avec le palace du Grand National.

Postface de Claire Jaquier.

Grand National a reçu le prix Lettres frontière 2020.

Grand National (2019, domaine français)

Grand National

Roland Buti a l’art de nous mettre tout contre ses personnages, de nous les rendre familiers de manière tactile, concrète et sensuelle. Le corps, le visage, les mouvements de chacun, la nature et les émotions sont saisis avec une infinie douceur, en dépit de la violence ou du comique des scènes.

Ainsi est-on plongé, avec Grand National, dans la vie de Carlo, en crise : sa femme Ana l’a quitté, sa mère s’est réfugiée dans un palace d’où elle refuse de sortir, et son employé encaisse un passage à tabac pour des raisons mystérieuses.

Avec Carlo, le lecteur va ressentir physiquement le manque et l’intime connaissance qu’il a d’Ana, appréhender la violente et récente histoire des Balkans, découvrir enfin le passé romanesque de sa mère pendant la Deuxième Guerre mondiale et son lien avec le palace du Grand National.

Le Milieu de l'horizon (poche)

La sécheresse de 1976.

Sous le soleil implacable de cet été, Gus quitte l’enfance. La nature se désagrège, les sentiments s’exacerbent, le noyau familial éclate : tout craque et se fissure jusqu’à ce que l’impensable arrive.

Les orages tant espérés balaieront une campagne épuisée et emporteront un monde avec eux.

Lauréat du prix des auditeurs de la RTS, du prix le Roman des Romands, d'un Prix suisse de littérature 2014

Le milieu de l'horizon (2013, domaine français)

Le milieu de l'horizon

DIsponible en poche : http://editionszoe.ch/livre/le-milieu-de-l-horizon-2

Gus a quitté l’enfance un été de canicule. Alors qu’il aide son père paysan, lit et relit ses bandes dessinées, se baigne dans un réservoir souterrain avec Mado, la fille perdue du village, son univers familier et rassurant se fissure.

La mère de Gus, présence constante, tendre et complice s’éloigne peu à peu de lui, tandis que son père, pourtant véritable force de la nature, s’enferme dans sa chambre pour cuver son chagrin. L’impensable arrive. Gus doit alors prendre en main l’exploitation, guider les camions-citernes de l’armée vers les champs desséchés, traire les vaches trop pleines d’avoir été oubliées.

Quand il découvre le secret de sa mère, dans une scène magnifique de pudeur, il vit la fin d’un monde.

Roland Buti nous livre ici un récit ample, sensuel et puissant.

Disponible en poche ici

Lauréat du prix des auditeurs de la RTS, du prix le Roman des Romands, d'un Prix suisse de littérature 2014

Laudatio de Bernard Comment

"L’enjeu de l’écrivain est de dépasser toutes les formes de frontière, tout en demeurant conscient de là d’où il vient et de ce qui l’a déterminé dans son processus de formation. C’est cette oscillation entre l’universel et le particulier, voire le local, qui fait tout le prix de l’écriture de Roland Buti, dont l’ancrage dans la Suisse de son enfance à lui n’empêche en rien le lecteur de percevoir des dimensions beaucoup plus larges, qui tiennent sans doute aux expériences fondamentales de l’enfance et de la première adolescence, cette petite valise fondatrice qu’on trimballe avec soi toute une vie.

Dans son roman Le milieu de l’horizon, Roland Buti nous fait entrer dans le petit monde d’une ferme romande, dans le pays de Vaud,  avec une puissance métaphorique semblable à celle de certains livres de Faulkner. Des forces étranges et puissantes sont à l’œuvre, derrière les apparences, et vont dérégler la vie familiale de Gus, gamin de treize ans, spectateur effaré et impuissant d’un effondrement multiple : celui de l’agriculture traditionnelle, celui du couple formé par ses parents, celui de la sexualité maternelle, celui de l’innocence de l’enfance.

Cela se passe pendant l’été 1976 et sa fameuse sécheresse. Tout va bientôt et inexorablement partir dans le brasier de la canicule et de l’orage. Bagatelle, la vieille jument, n’en finit pas de mourir. La passion brûle. Tout se consume. On est au bord du tragique comme on peut être au bord du volcan de Lowry. La langue sobre de l’auteur atteint l’incandescence.  C’est de la grande littérature, un livre qui concerne un vaste public."

L'Amour émietté (2011, domaine français)

L'Amour émietté

Dans L’amour émietté, Vince, veuf inconsolé, reconstitue les lettres déchirées en mille morceaux que Marie-Hélène lui écrivait. Et sa femme bienaimée ressuscite.

Jean-Philippe, guide de montagne raconte son face à face avec un « homme sauvage » vivant d’herbes et de chasse au sommet des Alpes  Titus, le chat abyssin ramené d’une zone de conflits en Afrique, est écrasé à Genève par la voiture d’une bourgeoise pressée. Jean-Benoît en panne sur l’autoroute dialogue avec Rodion, un Bulgare dont le foyer est un immense panneau publicitaire.

L’écriture précise et le sens de l’observation de Roland Buti suggèrent, avec les quinze nouvelles de ce recueil, la douce et cruelle présence de l’insolite dans l’univers des gens ordinaires.

Luce et Célie (2007, domaine français)

Luce et Célie

Luce n'a que huit ans quand son père meurt. Plus tard, pendant la guerre, sa mère à l'esprit légèrement dérangé édifie un obstacle antichar sur la rue qui mène à leur maison. Et c'est un peu grâce à cet obstacle que Luce rencontre celui qui deviendra son mari.

Célie est orpheline, elle a été élevée par des soeurs. Après la mort de son grand amour, elle se fait engager comme employée de maison par Jean Périard, un homme suffisant et tyrannique qui ne pense qu'à ses relations d'affaires et à ses meubles ultramodernes.

Que font ces deux femmes, bien des années plus tard, dans la cave d'une maison qui va être détruite? A qui appartient le squelette qu'elles déterrent une nuit d'orage?

Luce & Célie raconte la rencontre improbable et l'amitié à toute épreuve d'une femme émancipée et d'une épouse trop timorée.

Un nuage sur l'oeil (2004, domaine français)

Un nuage sur l'oeil

Les Âmes lestées (1990, domaine français)

Les Âmes lestées

Luce et Célie: extrait

1933

 

— Toi, ma petite, si un jour tu dois pleurer tout ce que tu as ri, tu ne t’arrêteras jamais…

Une voisine lui a fait cette prédiction le jour de la mort de son père.

Luce habite avec ses parents un grand appartement qui occupe tout l’étage supérieur d’un bâtiment d’une usine de laiton. Elle aime entendre le grondement des fours, le feulement du laminoir, le vrombissement au loin des immenses roues hydrauliques qui brassent la rivière. Ils vivent dans une maison trépidante au centre de pâturages et de forêts silencieuses.

Son père a son atelier de menuiserie attenant à la fonderie. L’hiver, il profite de la chaleur des creusets même si presque tous jugent dangereux le voisinage de la sciure, des copeaux et de foyers à haute température chargés cinq ou six fois par jour de coke. Il fabrique des meubles sur commande, mais il passe toujours plus de temps à les décorer de sculptures en relief – le retour du chasseur, le bûcheron au travail –, ce qui ralentit le rythme de ses affaires.

Luce vient de fêter l’anniversaire de sa huitième année. La sirène à vapeur qui règle la marche de l’usine finit de sonner ; l’un après l’autre, les ouvriers entrent au café pour la pause. Le syndicat a négocié deux arrêts de travail dans la journée pour que tous puissent boire un verre de lait censé purger le système digestif des dépôts d’oxyde de zinc. On croit plutôt aux vertus astringentes de l’absinthe et des godets irisés circulent.

Luce fréquente le café parce que Marc, le patron, qui doit rendre des comptes au médecin de la fabrique sur la consommation de lait du personnel, lui remplit discrètement un bidon avec une louche au lieu de se débarrasser du surplus dans l’évier.

Luce prend un peu d’avance, boit sur place avec ces hommes. Ils forment un cercle attentionné autour d’elle. Ils ont le visage rouge et les cheveux collés au crâne par la sueur à force d’être restés devant les fours. D’infimes particules de cuivre paillettent leurs mains, leurs habits. Au milieu de ces géants métallisés aux mouvements lents et empesés, Luce se sent légère. Le soleil qui entre par la porte largement ouverte dessine une plaque claire à leurs pieds. Accoudés au zinc sur lequel est inscrit en lettres creuses déjà noircies « Fonderie Boillat 1907 », les ouvriers consomment en équilibre au-dessus d’un puits de lumière et se plaignent mollement de la touffeur de l’été.

Juliette, une copine de son âge, entre et tout semble remuer quand elle crie :

— Luce! Luce ! Viens vite, c’est ton père ! Il est à l’hôpital.

Le matin même, Luce jouait avec ses parents sur la large terrasse sous le ciel et les nuages accrochés très haut. Ils riaient autour de la balle vivante sous leurs pieds ; ils se frôlaient, se prenaient par la taille avant de se relâcher, évitaient Luce qui tournoyait entre leurs jambes. Sa mère s’arrêtait inopinément pour essayer de remettre ses cheveux dans son chignon. Les bras au-dessus de la tête, sa robe à fleurs remontait jusqu’au milieu de ses cuisses. Elle était belle et c’était peut-être surtout cela qui faisait rire son père.

Dans le couloir, Luce entend un médecin dire à l’un de ses oncles : « Opérer serait un charcutage inutile, son ventre est dur comme du bois. » Dans la chambre, son père est couché sur un lit élevé. Elle se trouve exactement à sa hauteur. Il lui sourit en lui prenant la main. Elle remarque ses traits figés, son visage ocré presque brun comme si, effectivement, tout son corps, colonisé par une matière ligneuse, avait la consistance du bois. Juste derrière lui, il y a une grande fenêtre ouverte par laquelle l’extérieur se déverse dans la pièce blanche.

Luce aperçoit un chien roux écrasé par la chaleur à la recherche d’un peu d’ombre ; puis, des pies énervées au sommet d’un arbre ; puis, un couple contre le fil de l’horizon qui passe la colline ; puis, une abeille un moment suspendue dans l’air avant de disparaître ; puis, un médecin dans la cour avec sa grande voiture noire au milieu d’un tourbillon de poussière.

À l’intérieur, tout est clair. Son père et sa mère sourient, mais leurs sourires sont inhabituels, figés par une respiration ralentie. Après un moment – dans un pré un cheval se renverse sur le dos pour s’ébrouer les jambes en l’air –, la main de son père l’attire pour l’embrasser. Il murmure de la même voix avec laquelle il prend congé d’elle le soir : « Adieu, ma petite Luce ! » On la presse un peu de sortir.

Dans l’entrebâillement de la porte, elle aperçoit le regard de sa mère dans sa direction, mais qui fixe un point invisible dans le vide. Un peu après, elle se retrouve dans le hall d’entrée, accompagnée d’une infirmière qui n’arrête pas de lui demander si elle veut jouer. Il y a une armoire remplie de jeux. Elle ne veut pas. Elle attend simplement devant une grande baie vitrée. Le ciel sans un seul nuage à l’horizon, les sapins noirs dressés au milieu des pâturages à l’herbe rase, les quelques maisons le long de la route qui serpente jusqu’au col sont immobiles derrière le verre épais, hors de portée.

Le lendemain, elle sautille sur le chemin de l’école avec deux garçons. Ils lui expliquent comment ils ont chapardé la veille deux charrettes à cadre triangulaire avec lesquelles on transporte les creusets à l’usine.

Ils lui racontent comment ils ont dévalé en trombe la route cantonale, comment ils ont failli renverser le contremaître à bicyclette, comment celui-ci a ensuite manœuvré pour faire un demi-tour et les prendre en chasse. Luce rit à s’en fendre la mâchoire. L’air du matin est frais. Il enveloppe ses jambes nues. Le bourdonnement des insectes indifférents et le bruissement des herbes efflanquées de l’été font frissonner la terre.

Une silhouette opaque obstrue soudain le chemin caillouteux. Mme Pétignat, le front ramassé dans son chignon, lui fait remarquer l’inconvenance de sa légèreté.

— Toi, ma petite, si un jour tu dois pleurer tout ce que tu as ri, tu ne t’arrêteras jamais…

Luce ne pouvait pas savoir alors à quel point cela allait se révéler vrai.