parution octobre 2017
ISBN 978-2-88927-489-5
nb de pages 192
format du livre 140x210 mm

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Alexandre Voisard

Notre-Dame des égarées

résumé

Colmar, à l’aube du XXe siècle, Hélène native du Midi et Karel le violoniste venu de l’Est donnent naissance à une petite Stella. Après de courtes années de bonheur, l’enfant meurt soudainement. Puis Hélène disparaît sur les traces de sa fille, qu’elle imagine toujours vivante. Karel décide de rejoindre le Rhône, fleuve de cœur d’Hélène, dans l’espoir de l’y retrouver.

Voisard puise à la double source du conte et de la poésie pour mener ce roman du dépouillement. À la suite du vagabond walsérien Karel, il nous entraîne à la rencontre des gens qui peuplent la route du Sud, l’abbé Viénot et son « eau de la vie », ou la famille Goldberg, au fils violoniste de génie.

biographie

Né en 1930 à Porrentruy, Alexandre Voisard est l’un des principaux les poètes jurassiens, reconnu dans toute la francophonie. Poésie lyrique ou engagée, prose, carnets ou chroniques, nouvelles et récits, son œuvre s’enracine dans sa terre natale tout en délivrant un message universel, offre au lecteur une vision du monde d’une profonde musicalité, marquée par la fraternité avec la nature. Voisard a été récompensé à de multiples reprises, notamment par les Prix Schiller et Édouard-Rod.

Revue Europe

"Notre-Dame des égarées est un roman écrit par un poète et cela se sent, issu d’un fait divers découvert dans les colonnes du Pays dont la reproduction figure en fin d’ouvrage ; un roman qui parle de musique et dont la musique des mots est envoûtante. (…) Le silence a parfois plus de poids que les mots." Valery Rion

Le Jura Libre

"Ce récit, authentique roman par son ampleur et la richesse de ses harmoniques, est un bijou.

Illusoire de vouloir saisir en quelques mots la trame d’une histoire dont le temps, la durée et leur inscription dans une géographie longuement arpentée sont précisément la substance. (…)

Notre-Dame des Egarées a en grande partie pour cadre des lieux et paysages qui nous sont familiers (…). Autant de verts paradis où notre imaginaire se promène et se ressource volontiers. (…)

L’auteur déploie, mezza voce, ou parfois sotto voce, et non sans mélancolie, son intense perception des êtres, de la nature et du destin, dans la langue d’un récit qui, lorsque l’inspiration le dicte, affirme son autonomie poétique."  Haddock

24 heures

"Une errance poétique entre Rhône et Rhin, une ode à la fraternité dans des paysages vibrant de beauté, une histoire d’amour jusqu’à la folie. Un roman où il y a tout."   Le jury du Prix du public de la RTS

RTS-Espace 2

"A 87 ans, Alexandre Voisard chemine toujours - allègrement - vers l’épure. Sʹen tenir à l’essentiel. Sereinement. Son dernier roman en est la marque éblouissante. (…) Limpide et haletant tout à la fois."

Alexandre Voisard était l’invité de Marlène Métrailler dans l’émission Caractères. A réécouter ici

La Nation - journal vaudois

"La date [du fait divers : le 2 juin 1900] importe, car l’écrivain s’en inspire dans une restitution admirable de l’époque, jusqu’aux détails des sites et des mœurs villageoises. Quant à la façon dont le poète nous fait partager la marche de ce chemineau inspiré, elle renvoie à Rousseau, à Novalis et aux pérégrins qui furent toujours, on le sait, des favoris de la littérature helvétique."  Bertil Galland

Le Temps

"[…] un beau récit qui tient du conte, du livre d’heures, et vibre de la beauté du paysage, dans un  acquiescement apaisé à la vie et à la mort." Isabelle Rüf

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La Gruyère

"Connu avant tout comme poète, Alexandre Voisard signe ici un récit aux frontières du conte. En brefs chapitres, avec une économie de moyens qui touche au dépouillement, il évoque la perte, la disparition, la solitude, et une « drôle d’errance, au bout du compte moins quête que divagation ». […] Emouvant et d’une absolue limpidité, Notre-Dame des égarées suit ainsi la trajectoire d’un homme qui perd tout au point de n’être plus « que cette plume dans la poigne du vent »." Eric Bulliard

Tribune de Genève

"[…] Il suffit d’évoquer le talent avec lequel l’auteur donne vie aux lieux, aux paysages et aux gens que son personnage rencontre au cours de son voyage. «J’ai tout vérifié. Je suis passé partout. J’ai vu ou revu les églises et les chapelles dont je parle dans le roman», confirme Voisard.

Ce parcours effectué avec les moyens de transport de 1900, à travers une campagne encore ancrée dans le XIXe siècle, est une remontée dans le temps poétique et émouvante. Une quête de quelque chose dont le lecteur apprendra la nature au fil des pages... Il y a du suspense dans ce roman et les germes d’une envie de découvrir ces coins de l’Ajoie si bien décrits. Un décor magnifique pour ce grand écrivain […]" Benjamin Chaix

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Le Courrier

" [...] Les jours et les années s'écoulent dans les premiers chapitres d'un récit elliptique, sobre, limpide, où se prépare l'événement qui emmènera l'écriture et Karel sur les chemins. […] Débute une longue errance à travers l'Alsace, Mulhouse, les vallons du Jura, de boulangerie en chapelle, d'arrière-boutiques en futaies pour la nuit. Karel entre dans sa mue vagabonde – et Voisard dans une «espèce d'image d'Epinal» [...] " Maxime Maillard

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La Quinzaine littéraire

"[…] Dans le récit d'Alexandre Voisard, la disparition de l'être aimé sonne […] la mort de la création. Toute forme de renaissance semble impossible pour le musicien Karel. Sa musique se tait et il ne reste plus que le bruit des deux coups de revolver, avant qu'on ne I’« enterre en silence ». Par ce parti pris original, Alexandre Voisard rejette la figure traditionnelle de l'artiste maudit qui puise son inspiration dans une destinée malheureuse. Bien au contraire, en inventant cette fable à partir des eaux du Doubs, il fait le pari d'une écriture créatrice et revendique le statut de poète-conteur « qui voi[t] clair dans l'obscurité, bien assez pour ravir aux eaux assez de leur légende ». Fidèle à la tradition orale du conte, il invite en outre le lecteur à poursuivre sa quête poétique : « L'un ou l'autre de ces conteurs inspirés trouvera-t-il au pays du Rhône une trace d'Hélène disparue, Hélène épouse de Karel et mère de Stella montée au ciel, ainsi que disent les croyants ? » Le pari est gagné et Notre-Dame des égarées est un conte original, à la fois poétique et philosophique, qui, assurément, saura charmer et inspirer ses lecteurs." Cécile Beer-Suignard

Aimer Lire (Payot Libraire)

"Roman du dépouillement, un beau texte poétique" Aurélie Sonnay, Payot Lausanne

La Liberté

"Toute vie est une rivière, et c’est au hasard de leurs confluences qu’Alexandre Voisard plonge la plume de son récit, Notre-Dame des égarées. […] Avec la sombre légèreté du conteur, Voisard tisse la métaphore fluviale pour suivre les pas vagabonds de Karel, lui qui remonte aux sources de la douleur, portant son havresac, son violon et surtout « le poids d’une double absence que rien ne comble ». A partir d’un mystérieux fait divers du début du siècle passé, le poète jurassien s’aventure dans les méandres de la fiction pour suggérer cette progression sur le chemin du dépouillement, errance qui tire sa beauté des rencontres qui la jalonnent. A l’instar de cet abbé dionysiaque redonnant vie avec l’eau de ses vergers, puis offrant pour viatique ces mots essentiels : « Ta vie n’a que le sens que tu lui donnes quand tu es las de tout." Thierry Raboud

Le Quotidien Jurassien

"[…] Notre-Dame des égarées reprend les fondamentaux de l’œuvre de Voisard. La nature y est omniprésente, sous sa forme liquide plus particulièrement : « Toutes les vies humaines s’apparentent à ces rivières affluant à des entrevues impromptues pour se fondre en des semblables irréductibles. Ainsi va la vie de monts en vals, d’averses perlées en cours d’eau obstinés, de toute éternité. » L’auteur y parle d’amour bien sûr, de la musique, et du Jura, là où le récit prend réellement corps. […]

Entre roman, conte et poésie, on se laisse happer par la solitude tourmentée de Karel. Les mots de Voisard sont délicatement posés, tous à leur place, pas un de trop. Une partition, la partition de la vie, jouée par le maestro. […] On se retrouve nous-même si humains entre ces lignes, admiratifs de la beauté des sentiments et des mots qui les suggèrent plus qu’ils ne les décrivent. Une pudeur explicite, une universalité bien personnelle ; les mots du poète parlent au cœur de ceux qui savent les lire et les faire résonner. […]" Julie Kuunders

L'Ajoie

"Quel bonheur de découvrir ce nouveau livre inspiré d’un fait divers du 2 juin 1900. A 87 ans, la plume du poète jurassien n’a rien perdu de son chant. Son récit en prose résonne de tout son œuvre, quel que soit le genre adopté. […] Quel bonheur alors de lire le destin de Karel, ce personnage vaguement issu de bandits de grand chemin d’Europe de l’Est devenu violoniste professionnel et professeur de musique dans un collège de jeunes filles à Colmar. […] Quel bonheur aussi de suivre ce Karel partir de Colmar à la recherche de son épouse, errant de chapelle en oratoire, le cap sur le Rhône. La référence à la vierge et l’enfant devient d’une beauté évidente, comme le retable d’Issenheim. Tout comme les personnages rencontrés, qui se révèlent criants de vérité, tel ce curé distillateur qui « donne de l’âme aux fruits ». Pas étonnant que le poète ajoulot donne tant d’âme aux mots." yad

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47° Nord

"Ce récit plein de poésie nous emporte sur les pas de Karel, musicien parti de Colmar sur les traces de sa femme, du Rhin jusqu'au Rhône."

Notre-Dame des égarées: extrait

1

L'eau nous vient du ciel, disent les moines, grâce à Dieu. Et l'eau, disent les poètes, c'est ce qu'emprunte le ciel à la terre. Entre le haut et le bas le commerce est incessant. Quant à l'eau ruisselant sur les toits pour venir nous lécher les pieds au matin devant nos portes, quel grand esprit devinera le chemin que ce filet d'ondée choisira entre les alluvions et les caillasses dès la moindre inclinaison ? C'est un jeu d'enfant parfois, une devinette à deux sous au moindre écoulement d'arrosoir. Au-delà des rêves et des amusettes, l'eau suit le cours qu'elle s'invente à la rencontre des rivières et des fleuves qui de hasards en confluences s'épousent en impérieuses noces. La moindre source, le ru le plus humble de votre colline y sont promis.

Le rêve emporte aux mers votre petit bateau de papier voué dès l'origine à ce rendez-vous de bout du monde.

Et l'humble ruisselet qui rafraichissait votre pied soudain s'absente, non de lui-même mais de votre regard.  Si sa voie est imprévisible son destin paraît tracé.

Toutes les vies humaines s'apparentent à ces rivières affluant à   des entrevues impromptues pour se fondre en des semblables irréductibles. Ainsi va la vie de monts en vals, d'averses perlées en cours d'eau obstinés, de toute éternité.

Les destins infiniment croisés des humains, de leur naissance jusqu'à leur fin dernière, ressemblent à ce fortuit et gigantesque branle-bas des eaux. Le chenal qui à l'origine les aura pris par la ceinture ne les quittera guère, leur vie durant. Les hommes tracent la voie avec le même fatal acquiescement que les eaux en leurs cours. Ainsi vont-ils de conserve et de toute éternité dans la coulée des fontaines et du temps.

 

2

De même en est-il de Karel, venu de l'Est, et d'Hélène, native du Midi, pour se rencontrer à Colmar, baignée par cette Lauch qui bientôt se jette en l'Ill pour le Rhin tout proche. C'est ainsi qu'ils se sont salués dès leurs premiers échanges. Hélène surtout, Provençale dont les parents s'étaient établis ici, ville qui était alors française, a proclamé : « Je suis du Rhône, vaille que vaille ! » Quant à Karel, issu de Prague, il est désigné à jamais comme « homme du Rhin » par la piquante demoiselle. Durant toute leur vie commune elle lui lancera comme un défi : « Je suis du Rhône, vous êtes du Rhin, on ne se trouvera jamais vraiment ». Elle dit ça avec une ironie à peine feinte à cet homme de culture allemande qui en reçoit l'expression comme une taquinerie sans conséquence, n'est-il pas, lui, de la Moldau, donc de l’Elbe ? Mais pour Hélène il est venu de l'Est, traversant le Rhin, pour s'installer, avec sa langue et sa culture, comme professeur de musique dans le pensionnat très sélect où elle-même depuis plusieurs années enseigne le français et le latin. Ils se sont approchés l'un de l'autre avec une méfiance de chats, elle surtout ne craignant pas de montrer subrepticement ses griffes, s'esquivant d'un pas si l'on se hasardait à lui prendre le bras. Quant à lui, homme mûr et pondéré, aîné de plus de dix-sept ans de la jeune fille de bonne famille, il la traitera toujours avec respect et indulgence pour ses humeurs de fille unique gâtée par la vie. Lui est de très modeste origine. Son père était vaguement issu d'une de ces hordes de haïdouks des monts de Bohème où des cabaretiers pragois l'avaient remarqué pour ses talents de violoniste forain et engagé pour leurs salles de bal. Il avait emmené avec lui deux enfants de sa tribu dont une fille, Maria, et un garçon, Karel, qui fut instruit et agréé à l'école de musique où il devint avec le temps l'assistant du maestro des instruments à cordes. Resté célibataire, il saisit une occasion de partir pour l'étranger, par l'entremise et la recommandation de son maître, à Colmar, en Alsace, où un institut français d'excellence accueillant des jeunes filles de la grande bourgeoisie lui confiait le mandat de maître de musique.

 

3

Karel est un des rares hommes du pensionnat. L'autre, un petit monsieur chenu, vient le vendredi matin dispenser ses deux heures de langue et d'histoire grecques. Outre le vieux jardinier que ne croisent jamais les pensionnaires. Il n'aurait pas été séant que le nouveau venu prenne domicile dans l'établissement. On lui a trouvé un petit logement de deux pièces, non loin du Musée Unterlinden.

Il y mène une vie solitaire et paisible, se couchant et se levant tôt, passant ses loisirs en lecture et en flânerie autour de la cathédrale et vers l'ancienne douane dite Koïfhus au bord de la Lauch. Après l'heure quotidienne de gammes qu'il s'impose et qui peut se prolonger de lecture de nouvelles partitions trouvées dans la bibliothèque de l'institution, il se lance dans la philosophie allemande ou dans le hollandais Spinoza qui le passionne. Oui, se convainc-t-il, l'âme et le corps sont un. Et le contre-champ de découvertes qui l'amusent tiennent dans Voltaire dont la fréquentation entretient son français, qu'il sait perfectible quoique déjà fort correct.

C'est à la table des professeurs, où ils déjeunent à pile midi trente, que les échanges sur la vie de la maison et ses programmes vont bon train. Mais aussi sur l'actualité franco-allemande qui retient toute l'attention de cette communauté restée très française et s'affichant même comme telle. La place d'Hélène et celle de Karel se font face.

Longtemps, ils se parlent peu. Elle est une femme plutôt petite, aux traits fins et aux cheveux bruns coiffés en chignon.

Tout est vif en elle, son langage, sa démarche, ses convictions bien trempées qui, fleuries d'aphorismes péremptoires sur un Dieu cruel et sur la condition humaine, agacent et amusent tour à tour son entourage.

Karel est d'emblée, dès les premières semaines de son service, frappé par la personnalité de cette jeune femme de vingt-huit ans si impérieuse dans son comportement comme dans ses idées. Il en est même troublé parfois, lui qui, quadragénaire placide et réservé n'a que peu d'expérience avec les femmes. Ce sont donc deux contraires absolus qui durant toute la première année d'enseignement se croisent avec quelques mots courtois, se toisent, se frôlent et parfois s'affrontent brièvement, au dessert, sur l'un ou l'autre principe philosophique. « Non, L'Emile n'est pas une utopie ... »

C'est fortuitement qu'ils se rencontrent sur le parvis de l'église Saint-Matthieu en cette veille de Noël 1893. On a beau s’être mesuré en une brève joute deux jours plus tôt, il n’est pas question de s'ignorer. Et l'ambiance recueillie qui baigne la rue incite chacun aux égards sinon au partage. C'est en ces circonstances que Karel trouve en lui l'audace d'inviter sa collègue à dîner le surlendemain, fête de la Saint-Etienne, à l'Auberge des Têtes. Elle ne répond pas tout de suite, elle dit seulement «Marchons. » Ils cheminent donc tranquillement, d'un pas de badauds dans la Grand-Rue, en se racontant des banalités sur la vie de la cité et les potins du pensionnat. Après quelques minutes, Hélène qui avait pris deux pas d'avance s'arrête et, se retournant vers Karel lui dit d'un ton sans réplique : «J'accepte votre invitation, mais n'attendez rien d'autre de ma part.»