parution avril 2013
ISBN 978-2-88182-892-8
nb de pages 352
format du livre 140 x 210 mm
prix 34.00 CHF

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Blaise Cendrars

Blaise Cendrars Henry Miller Correspondance 1934- 1959 Je travaille à pic pour descendre en profondeur

Traduction des lettres de Henry Miller par Miriam Cendrars

résumé

 

Dès 1934, Blaise Cendrars (1887-1961) a précieusement conservé les multiples lettres envoyées par son ami Henry Miller (1891-1980), et ces enveloppes aériennes américaines, couvertes d’encres verte, rouge ou noire ont reçu réponse jusqu’à Big Sur, en Californie. Cette relation à l’écrivain américain fait partie des rares amitiés littéraires de Cendrars, lui qui avait révélé dès 1935 le caractère fondateur de Tropic of Cancer.

La plume de ces deux géants de la littérature du XXe siècle court par-delà l’océan durant vingt-cinq ans, à un rythme très régulier. En toute liberté de ton et de forme, les lettres se composent au gré des humeurs, des rencontres, des phases d’écriture ou de lecture. Elles dessinent en filigrane une image de chacun moins rabelaisienne que celle, publique, qui a fait d’eux des doubles de leurs œuvres.

Reflet d’une profonde complicité, la correspondance que nous présentons est faite pour ravir, comme Cendrars l’imaginait déjà à propos de l’essai que Miller lui consacrait en 1951 : « Moi, ce qui me réjouit, c’est de me trouver avec vous sous la même couverture, comme si l’on faisait une bonne blague aux copains !… »

 

En écho à la correspondance, la présente édition enrichit le dialogue des deux artistes avec quelques  lettres adressées à des proches et, par résonance, elle met à disposition les textes d’hommage qu’ils se sont adressés, entre 1935 et 1956.

 

Lettres présentées par Christine Le Quellec et Jay Bochner

 

 

biographie

Blaise Cendrars (1887-1961) est une figure majeure de la littérature francophone du XXe siècle. Poète, romancier, journaliste, il a parcouru le monde et l’a retranscrit en une langue puissante et novatrice. Son expérience en tant que soldat français lors de la Première Guerre mondiale, durant laquelle il perd sa main d’écriture, a nourri une grande partie de son œuvre. Il a également entretenu une correspondance avec de nombreuses figures intellectuelles et artistiques françaises de l’époque.

Livres Critique

« Voilà un moment rare : la correspondance richissime de deux figures inouïes de la littérature se trouve enfin rassemblée pour notre plus grand plaisir. (…) Il n’y a pas à dire : cet échange éclairé est une mine de sens pour les jeunes, les moins jeunes, bref, pour tous ceux qui veulent vivre leur vie, aujourd’hui ! » Jean-Pierre Gayerie

Cahier Critique de Poésie

« (…) Et pour nous faire entrer aujourd’hui dans cette intimité si délicieuse à lire et à observer. » Kristell Loquet

Le Temps

"Ce qu'il y a de beau avec les correspondances, c'est tout à la fois leur fragilité et leur côté brut. On risque fort de ne pas y trouver ce qu'on cherche; on en ressort avec des images, des fulgurances qui se glissent entre les oeuvres, éclairent subitement, et sans apprêts, des recoins de la vie des écrivains. A leur façon, hachée, les lettres racontent leurs propres histoires sur les hommes qui les ont écrites. (...)"  Eléonore Sulser

L'Hebdo

"J'ai beaucoup hésité avant de décider de publier ces lettres de Cendrars, que ce soit celles à Henry Miller, au poète Robert Guiette ou celles, à paraître dans quelques années, à sa deuxième femme Raymone. Une lettre n'est destinée qu'à son destinataire. Mais la correspondance de Cendrars est révélatrice. Ses lettres contiennent les racines de son destin d'écrivain. Elles étaient le vêtement extérieur d'un poète qui dissimulait une grande profondeur." Miriam Cendrars dans l'Hebdo

J'ai tué, suivi de J'ai saigné

Au fil de deux nouvelles courtes mais d’une très grande densité, Cendrars raconte l’horreur de la Première Guerre mondiale. J’ai tué, c’est l’arrivée des soldats au Front, inconscients de la boucherie imminente. Porté par cette masse humaine, l’auteur décrit l’impunité qui l’anime lorsqu’il tue au couteau un soldat allemand. Dans J’ai saigné, Cendrars vient de perdre son bras, arraché par un tir de mitrailleuse. Il est emporté dans un hôpital de campagne pour une longue convalescence, entouré de blessés de guerre qui s’avèrent finalement bien moins chanceux que lui.

 

Blaise Cendrars (1887-1961) est une figure majeure de la littérature du xxe siècle. Poète, romancier, journaliste, il a parcouru le monde et l’a retranscrit en une langue puissante et novatrice.

 

 

« On avance en levant l’épaule gauche, l’omoplate tordue sur le visage, tout le corps désossé pour arriver à se faire un bouclier de soi-même. On a de la fièvre plein les tempes et de l’angoisse partout. On est crispé. Mais on marche quand même, bien aligné et avec calme. Il n’y a plus de chef galonné. »

 

Préface de Christine Lequellec Cottier

Blaise Cendrars – Jacques-Henry Lévesque. 1922-1959. Et maintenant veillez au grain!

Jamais Blaise Cendrars (1887-1961) ne s’est autant dévoilé, jamais il n’a si précisément découvert ses secrets de composition, ses rythmes d’écriture, ni ses relations avec le monde de l’édition ! Sa correspondance avec Jacques-Henry Lévesque (1899-1971), fils de l’ami comédien Marcel Lévesque, mais surtout secrétaire personnel, confident et essayiste, ouvre le journal de bord de la création. Ces trente-sept ans d’échanges, entre 1922 et 1959, tour à tour amers, drôles et provocateurs, nous introduisent dans un monde tumultueux, traversé d’élans de vie et de prophéties désespérées, d’aspirations mystiques et d’âpres considérations  stratégiques.

La nouvelle édition, entièrement revue et enrichie d’apports essentiels grâce aux fonds d’archives, permet de saisir au plus près l’élaboration à la fois inspirée et minutieusement pesée de chacun des livres de l’auteur. Les matériaux des récits en cours d’élaboration sont  testés sur le destinataire de ces lettres envoyées à Paris ou à New York ; ils reçoivent de ce dialogue épistolaire un nouvel éclairage.

Fidèle lecteur et ami privilégié, Jacques-Henry Lévesque a toujours vu en Cendrars un précurseur de toute avant-garde, en qui la vie et la poésie s’exaltent mutuellement. C’est cette expérience concrète que nous invitent à saisir, au vif de l’humeur marquée par l’histoire, les 740 lettres de Et maintenant veillez au grain !

Correspondance établie, annotée et présentée par Marie-Paule Berranger
Blaise Cendrars Raymone Duchâteau. 1937-1954

Près d’un siècle nous sépare à présent du jour où Blaise Cendrars (1887-1961), et la jeune comédienne Raymone Duchâteau (1896-1986), se sont rencontrés à Paris, le 26 octobre 1917. Blaise, en pleine déshérence depuis la perte son bras droit sur le front de Champagne, aussitôt foudroyé d’amour ; Raymone, quant à elle, lui refusant d’emblée et à jamais, ce qui, le lui eût-elle accordé, l’aurait peut-être détaché d’elle. Tous deux furent néanmoins unis quarante-trois années durant par un amour tout à la fois impossible et nécessaire – platonique, mystique, démoniaque, insondable – : ils forment assurément l’un des couples les plus extraordinaires de la littérature du XXe siècle.

            Voici réunies, pour la première fois, les lettres qu’ils ont échangées à diverses époques de leur vie. L’essentiel de leurs échanges épistolaires prend place dans les années quarante. Sous le coup de la Seconde Guerre venue réveiller le souvenir de la Première, l’engagé volontaire de 14-18 entreprend, réfugié dans la cuisine du 12, rue Clemenceau à Aix-en-Provence, la rédaction de trois des quatre volumes de ses « Mémoires » : le grand œuvre qui le ramènera sur le devant de la scène littéraire. Confidente des minutes de cette vie solitaire ponctuée de difficultés matérielles, Raymone reçoit quotidiennement des nouvelles à elle seule réservées.

       Exceptionnelle, du fait du lien capital qui unit ses deux protagonistes, cette correspondance l’est aussi par sa triple portée – l’Histoire, l’amour et l’écriture. Le lecteur s’y plongera comme on s’immerge dans une partition où le bruissement d’une destinée singulière se mêle à la rumeur du monde, et la petite musique de l’individu quotidien aux rhapsodies de la création, dont elle nous livre, sur le mode intime, quelques-unes des clés les plus subtiles.

 

Correspondance établie, annotée et présentée  par Myriam Boucharenc

Blaise Cendrars Henry Poulaille 1925-1957

Entre 1925 et 1957, Blaise Cendrars (1887-1961) et Henry Poulaille (1896-1980) ont entretenu une forte amitié. Les lettres adressées de Cendras à Poulaille, fondateur de la littérature prolétarienne, en sont la trace immédiate.

Sans effets rhétoriques, avec un ton libre et une verve enlevée, les missives rédigées à toute heure permettent de découvrir une relation construite par des affinités multiples, littéraires et professionnelles, qui traverse trois décennies au gré des parcours personnels et des aléas de l'Histoire.

En 1925, Cendrars devient un auteur Grasset en publiant L'Or. Il entre dans la maison de la rue des Saints-Pères où Poulaille a récemment pris ses quartiers en tant que secrétaire de presse. Le monde de l'édition sera désormais au coeur de leurs rencontres. Mais les deux hommes se connaissent déjà et Poulaille, admirateur du romancier, l'associe volontiers à sa propre perception de la littérature : celle-ci doit être « authentique » et rendre compte de la vie du peuple en « écrivant comme on parle »; et pour cela l'écrivain doit être issu du peuple... Cendrars refuse cette affiliation mais ne rompt pas avec son ami; il tente de lui faire oublier l’argumentation en réveillant ses talents d'écrivain : « Quand nous donneras-tu un nouveau livre débordant de ce beau langage de Paris, que tu es seul à savoir employer par écrit, dont je suis friand et qui vous libère de la scolastique et de l’érudition. »

Les lettres inédites de Blaise Cendrars à Henry Poulaille - puisque celles en retour ont presque toutes disparu - permettent  de découvrir leur commune passion pour le cinéma, art nouveau dont Charlot est leur figure emblématique, mais aussi leur perception de la littérature, du journalisme et de l'édition. Qu'il s'agisse d'une survie intellectuelle (« Bien reçu le paquet de livres. Merci. Cela m’a fait bien plaisir car je suis encore plus privé de lecture que de boustifailles. » 19 mai 1943) ou d'une suite de demandes précises à transmettre plus loin, chacun rend compte d'une façon de s'inscrire dans son temps : Poulaille s'engage très directement, alors que Cendrars a l'art de l'esquive. Signer des pétitions ne l'intéresse guère, mais il le fait pour Poulaille, en signe de respect. Sans doute un geste significatif de leur amitié d'honnêtes hommes.

 

Introduction de Doris Jakubec, Dirigé par Christine Le Quellec Cottier
Entretiens avec BLaise Cendrars. Sous le signe du départ

Au milieu des années 50, Blaise Cendrars (1887-1961) accorde à la radio suisse de nombreuses interviews. Alors que la Bibliothèque de la Pléiade s'apprête à faire de lui un classique contemporain et que les Editions Zoé lui consacrent une collection de correspondances, ces enregistrements trop longtemps méconnus actualisent de façon exceptionnelle la présence de l'auteur de Moravagine, de L'Homme foudroyé, de la Prose du Transsibérien ou encore des Pâques à New York, poèmes tous deux centenaires. Ecoutons Cendrars et ses phrases précises, lapidaires et généreuses, son ton bourru, ses histoires imagées, au gré des émissions de 1948 à 1959 sur ses débuts en écriture, sur les animaux, sur le Brésil, sur son enfance et son origine ou encore sur la radio et le cinéma.

Blaise Cendrars / Robert Guiette. Lettres 1920-1959. Ne m'appelez plus maître.

C’est en 1920 que le jeune universitaire anversois Robert Guiette (1895-1971) passionné de littérature écrit à Cendrars (1887-1961), avant de le rencontrer à Paris l’année suivante. Dès lors, leur amitié transfrontalière favorise de nombreux échanges entre les milieux littéraires parisiens et bruxellois. Mais surtout, elle engage une correspondance très intense où Cendrars, poète d’avant-garde, puis écrivain célèbre, journaliste et mémorialiste, se confie volontiers et donne son avis sans concession.

Grâce au Journal de Guiette, ainsi qu’à ses comptes rendus des publications de Cendrars, les voix des deux amis se croisent constamment en échos et résonances, traces d’un respect mutuel qui dépasse largement la relation du maître à l’élève.

Lettres présentées par Michèle Touret

J'ai saigné (2004, Minizoé)

J'ai saigné

Ouvrage disponible en poche : http://editionszoe.ch/livre/j-ai-tue-suivi-de-j-ai-saigne

En 1938, celui qui publie son deuxième volume d’Histoires vraies,  La Vie dangereuse, est connu et reconnu en tant qu’écrivain-reporter, aventurier  au long cours : Blaise Cendrars fait partager à ses lecteurs des expériences vécues, il s’attaque à la réalité.

Avec J’ai saigné, chronique du recueil La Vie dangereuse, Cendrars attire son lecteur au cœur du souvenir de Champagne, en 1915, dix jours après son amputation du bras droit, lorsqu’il est évacué vers l’arrière. Survivant à l’horreur de la mutilation, le jeune homme blessé n’est plus qu’ « un pauvre vieux » : sa vie lui a filé entre les doigts, mais il veut survivre. En 1938, alors que le carnage est prêt à recommencer, le poète témoigne de sa guerre, de sa peur de mourir et, de fait, de son humanité.

Postface de Christine Le Quellec Cottier

 

Blaise Cendrars Henry Miller Correspondance 1934- 1959 Je travaille à pic pour descendre en profondeur: extrait

 

Big Sur [Californie]


[6 juillet 1947]

 

Mon cher Blaise Cendrars,

Votre petit mot (vraiment trop petit !) m’a trouvé ici où je demeure depuis trois ans, marié encore une fois et père d’une fille âgée d’un an et demi[1]. C’est le premier « home » en Amérique que j’ai fait. Vous voyez que je m’efforce de vous écrire en français, me souvenant fort bien de vos premières paroles quand nous nous sommes rencontrés à Villa Seurat, Paris : « Oui, je parle anglais mais je ne veux pas… » Tout récemment, dans un livre qui va paraître très bientôt[2], j’ai observé et décris comment j’ai lu Moravagine – sans connaître presque un mot français, mais sentant tout de suite en ouvrant le livre qu’il y avait là quelque chose pour moi. Il y a trois jours j’ai écrit à une librairie à Paris de tacher trouver ce livre pour moi – je veux bien le relire.

Tout dernièrement j’ai dévoré votre L’Homme foudroyé, me couchant trois journées de suite pour l’achever. Dommage que je ne peux vous montrer ce livre, avec les marques et les annotations en marge. Si je pouvais écrire le français plus couramment, je vous écrirais un petit livre là-dessus. J’étais complètement bouleversé, ivre pendant deux semaines après la lecture. A page 295 vous nous racontez votre régime de travail – deux heures par jour – et avant l’aube[3]. Je ne sais comment vous dire comme cela m’a frappé. (Surtout que vous répétez plusieurs fois que vous ne dormez pas la nuit !) C’est une recette que je voudrais bien employer mais jusqu’à présent je suis incapable – je dors comme un cochon. L’idée d’avoir toute la journée devant vous, d’être libre, d’être paresseux, me fascine. Je déteste ma faiblesse pour le travail, un don de mes ancêtres allemands, sans doute. Ce sont des « vertus », soi-disant, qui nous font misérables.

 

 

Henry Miller


[1] La troisième femme de Miller est Janina Lepsky, leur fille est Valentine.

[2] Il doit s’agir de l’édition anglaise de Wisdom of the Heart (Londres, Poetry-London, 1947).

[3] Voici l’extrait de L’Homme foudroyé qui a tant frappé Miller (TADA 5, p. 297-298) : « J’ai rapporté du front de la guerre de 1914 une habitude de soldat qui est de me lever avant l’aube et de me mettre immédiatement au boulot. Il est vrai que je n’astique pas des armes. J’écris. Et me remémorant l’avis de Remy de Gourmont, j’écris deux heures par jour. Deux heures qui ne doivent rien à personne. Ceci fait, je suis libre, libre pour toute la journée, et je puis flâner, rêvasser, perdre mon temps à cœur que veux-tu, imaginer des romans, lire peu ou à en perdre le souffle, jouir de la paresse qui est le fond de mon tempérament […] ».