parution octobre 2023
ISBN 978-2-88907-286-6
nb de pages 768
format du livre 125x175mm

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K. Sello Duiker

La sourde violence des rêves

Traduit de l'anglais par Jean-Yves Kruger-Katelan

résumé

La ganja que fume Tshepo finit par le conduire dans un sinistre hôpital psychiatrique, dont il ressort sans un sou. Il a vingt-trois ans, à lui la ville du Cap, où il découvre une sexualité nouvelle, solaire et mystique. Quant à Mmabatho, sa meilleure amie, elle s’apprête à mener de front ses débuts de comédienne et une relation amoureuse plus sérieuse que prévu. Ce roman fleuve bruissant de voix raconte l’entrée de jeunes noirs dans l’âge adulte et leurs combats dans un monde de violence et de préjugés qu’ils croyaient abolis en même temps que l’apartheid.

Préface de Jean-Pierre Orban

biographie

L'enfance de K. Sello Duiker (1974-2005) se passe à Soweto, le plus grand des townships sud-africains, célèbre pour ses émeutes contre l'apartheid. Mais Duiker grandit dans une famille de moyenne bourgeoisie, ses parents sont universitaires et un de ses aïeuls est métis: il se sent entre deux races comme on dit entre deux chaises. Il a vingt ans quand Nelson Mandela devient le premier président de l'Afrique du Sud multiraciale. Il se suicide à l'âge de 30 ans.

Le Temps

"(…) Chômage, drogue, alcool, rêves brisés. Le Sud-africain K. Sello Duiker, mort lui aussi très jeune, par suicide, retrace, dans ce roman choral, de facture plus classique, plus narratif, l’apprentissage de jeunes Noirs de Soweto qui tentent de se faire une place dans un monde qui les refuse toujours." Isabelle Rüf

Les mots à la bouche

"Roman fleuve, testamentaire, récit polyphonique et instantané d'une jeunesse sud-africaine en pleine mutation, voici le parcours d'un jeune homme abîmé, qui trouvera une forme de joie dans le don de soi et la découverte de sa sexualité. Un concentré d'émotions brutes."

La sourde violence des rêves: extrait

C’est la faute de personne. C’est moi. Ça l’a toujours été. Je l’accepte aujourd’hui, même s’il reste difficile d’expliquer ce qui se passait alors. Une partie de moi-même a basculé. Je me suis perdu dans un truc trop vaste pour le décrire simplement. Il s’est passé tant de choses en si peu de temps. Je sais pas où commencer à chercher, alors je reste avec mes questions. Tous les jours, je m’en pose de nouvelles. Tous les jours, les réponses m’échappent un peu plus. Pas facile de passer son temps à s’interroger quand la vie est déjà si pleine de doutes.
Tout ce que je veux, moi, c’est voler. Ouvrir un peu mes ailes, sentir l’air chaud s’enrouler sous mes bras, planer. Envie de fermer les yeux pour toujours, laisser l’éternité m’emporter sans rien dire. Être aimé pour une fois, connaître de l’amour autre chose que ses seules promesses. Est-ce trop demander ?

Écoutez, je ne suis pas en train de me chercher des excuses. J’essaie seulement de raconter comment ça s’est passé. J’étais complètement seul. Courir toujours, s’accrocher à la vie par les dents. La vie était rude et je n’ai pas eu le choix. Tout était laid. Je me noyais dans ma propre existence. Mauvais coups, temps perdu, les événements se sont enchaînés. Comme ça. J’ai perdu le contrôle. Comme si j’avais tué quelqu’un et tenté ensuite de me fuir moi-même. Depuis, je n’ai pas cessé de courir. J’ai cherché le mot juste pour décrire ce sentiment terrible, cette laideur vide qui m’envahit quand je ferme les yeux. Mais c’est trop bas.

Alors, j’en parle à une amie. Comme on raconte un truc à quelqu’un qu’on aime. Un truc important. Les amis, comme les pommes, sont parfois acides. Mais comme les pommes, on ne se souvient que des plus douces, celles qui sont gorgées de soleil.

C’est de la pluie que je me souviens surtout, je lui dis. Du sentiment désespérant qu’elle ne cessera jamais. Une pluie si puissante qu’elle emporte avec elle les souvenirs et les cris qui me hantent. Elle ne dit rien, elle écoute, la tête légèrement penchée en avant comme si elle réfléchissait profondément. Je regarde ses yeux. Sombres, pleins de secrets. Je continue.

Je dors mal. Je mange trop peu, je fume trop. J’appelle constamment la mort. Parfois, la nuit, pendant mon sommeil, je me surprends à tomber, à mourir, mais je me réveille toujours. Ça me déprime. Et ce sentiment persiste. Je ne peux pas y échapper, ni le décrire. C’est moche, c’est tout. J’ai vu trop de trucs laids, c’est pour ça que j’ai cet air péniblement gauche.

Je suis devenu fou parce que j’ai été trop curieux. Fasciné, j’ai volé trop près du soleil et la chute a été très sévère.