parution mars 2011
ISBN 978-2-88182-694-8
nb de pages 64
format du livre 105 x 150 mm
prix 5.00 CHF

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Noëlle Revaz

Quand Mamie

résumé

« Quand Mamie sera morte. Quand Mamie sera morte. Quand Mamie sera morte c’est fou le temps qu’on aura. On pourra enfin faire du sport. »

Dans Quand Mamie, on attend que Mamie s’en aille pour vivre. Au long de cette veille qui s'éternise, le corps de Mamie devient le symbole de tous les obstacles qu’on s’invente. La vie n'est vécue qu'en rêves. Ce texte drôle et glaçant sur la peur de vivre a des allures de chant incantatoire, il fait entendre une, deux, cent voix et leurs refrains, aux ruptures qui peuvent être brutales.

Noëlle Revaz est née en 1968 à Vernayaz. Elle vit à Bienne. Elle est l'auteur de deux romans, Rapport aux bêtes, Gallimard, 2002 et Efina, Gallimard, 2009.

Postface de Muriel Zeender

biographie

En 2002, Gallimard publie Rapport aux bêtes de Noëlle Revaz. L’écriture de styliste de cette jeune auteur délicate fait couler beaucoup d’encre. Elle imite le parler des paysans comme peu y sont parvenus après Ramuz, elle est d’une finesse extrême. Il lui faut 7 ans pour sortir son deuxième livre, toujours chez Gallimard Efina, roman d’amour ironique et ciselé dont la presse française s’empare. Née en Valais en 1968, Noëlle Revaz vit à Bienne.

Le Courrier

"Sensible et pudique, la longue missive de Daniel de Roulet trouve les mots justes, une forme précise et fluide, une simplicité éloquente pour explorer ce qui le touche et le questionne dans l’œuvre de peintre et ses esquisses d’une agonie."

Un article d’Anne Pitteloud à lire ici

Libération

« Noëlle Revaz pousse mémé dans les orties avec Quand Mamie (…), texte dense et hilarant où des adultes attendent en radotant la mort de la grand mère. » (Eric Loret) 

Libération

« "Quand Mamie sera morte…", un monologue joyeux, orchestré par la romancière Noëlle Revaz » (Eric Loret)

Efina (2024, Zoé poche)

Efina

Efina amatrice de théâtre, T un grand comédien, chacun prétend avec insistance n’avoir aucun sentiment pour l’autre. S’ils ont eu à l’occasion un rapport amoureux, ce n’était rien, bien sûr. Ils s’écrivent des lettres qu’ils envoient rarement, mais qui se répondent avec la même mauvaise foi sur leur aversion réciproque, et révèlent malgré elles «ce lien particulier qui clignote depuis des ans».

Avant-propos d'Eleonore Sulser

Viceversa littérature 15 – Histoires de famille

Qu’elle soit biologique ou par affinités, nucléaire ou élargie, la famille suscite d’immenses attentes. Mais la famille idéale, celle dont on voudrait faire partie, existe-t-elle ? Transmission d’un nom, d’une langue, de valeurs morales, héritage d’objets ou de maisons, déceptions, mensonges, secrets et luttes de pouvoir, la famille est en tout cas une mine pour faire des histoires. En inventer, en raconter. Le patrimoine familial se compose aussi de mots. Les écrivains en ont une conscience aigüe, ce qui leur permet d’interroger leur vécu, de débusquer du nouveau, tout en nous y associant intimement, nous laissant entendre l’écho de notre propre expérience.

Fabio Andina • Michelle Bailat-Jones • Yvonne Böhler • Zora del Buono Gianna Olinda Cadonau • Ludmila Crippa • Elisa Shua Dusapin Yael Inokai • Barbara Klicka • Naim Kryeziu • Line Marquis • Thierry Raboud • Noëlle Revaz • Maria Rosaria Valentini • Ivna Žic

L'Infini Livre (2019, Zoé poche)

L'Infini Livre

Jenna et Joanna, deux écrivaines à succès, mènent leurs vies entre familles et plateaux de télévision. Dans un univers fait d’écrans et d’algorithmes, la musique est un objet, les enfants peuvent être des autocollants. Et plus personne ne songe à regarder à l’intérieur des livres. Mais le temps n’est pas loin de les ouvrir à nouveau et de redonner du relief au monde.

Satire anticipatrice, L'infini livre est porté par une profonde ironie à l’égard de notre société de fakes news et d’amitiés virtuelles.

L'infini livre (2014, domaine français)

L'infini livre

PRIX SUISSE DE LITTERATURE 2015

Jenna et Joanna, deux écrivaines à succès, mènent une vie tranquille entre leurs familles et les plateaux de télévision. Dans le monde simplifié qui est le leur, les livres sont devenus de banals objets, dont la valeur et l'intérêt s'arrêtent à la couverture. Présentateur, acheteur ou écrivain, plus personne ne songe à les ouvrir. Le geste est tombé dans l'oubli. Mais cette simplification va plus loin et s'étend à tous les domaines de la vie. La musique est un objet. Les enfants peuvent être des autocollants. Les amis ne sont plus qu'un mot. Il n'y a plus de for intérieur.

 

Satire du monde du livre ou fable hyperréaliste, ce roman est avant tout une réflexion sur les façons que nous avons de vivre aujourd'hui. Dans cet univers confiné aux accents futuristes on progresse entre inquiétude et rire, pour s’apercevoir enfin que c’est de notre quotidien qu’il s’agit.

 

Roman à l'implacable logique, L'infini livre est porté par une profonde ironie.

 

Laudatio le 20 février 2015 par Eléonore Sulser pour le Prix Suisse de littérature:

 

Noëlle Revaz a écrit L’Infini livre à l’imparfait. Un temps de malaise, un temps incomplet qui s’étire, monotone, atone, blanc. Un temps qui ressemble à ce que les livres sont devenus dans l’univers qu’elle décrit: des boîtes, purement décoratives, qui restent closes. Même si elles font l’objet d’une adoration béate.

Dans cet univers-là tout est à plat. Il n’y a plus de littérature. Seule compte l’apparence, la fine couche médiatique qui enveloppe chacune et chacun. Il n’y a presque plus de mots. Sur les écrans sans profondeur, batifolent quelques élus qui s’expriment à coup de bons mots et de slogans. C’est un monde en deux dimensions peuplé de simulacres. Une romancière a ainsi pour amis, des inconnus croisés sur les réseaux sociaux;  pour enfants, des stickers géants collés à ses fenêtres.

Dans L’Infini livre, Noëlle Revaz déconstruit tout ce qu’elle sait, tout ce que nous aimons du livre. Métaphore du monde actuel, qui dit l’arrogance des écrans, des algorithmes, de la conversation, au détriment de la pensée, de l’art, de l’humain aussi. Pourtant, une fois cette destruction opérée ­– démontrée ­­– Noëlle Revaz va, mot à mot, phrase à phrase, reconstruire la possibilité d’un livre.

Il y aura des échappées, des mutations soudaines. Une chrysalide, des papillons. Des ailes s’agiteront comme les pages d’un livre ouvert, le monde reprendra des couleurs, du relief. Le livre pourra, de nouveau, nous emporter ailleurs.

Il y a quelque chose d’un manifeste poétique dans L’Infini Livre. C’est aussi un objet littéraire singulier, qui interroge l’étrangeté matérielle du livre, tout autant que le miracle fragile qu’il représente.

Eléonore Sulser

 

 

Quand Mamie: extrait

On avait toujours dit : Quand Mamie sera morte. On disait : Pour le moment c’est comme ça. Mais quand Mamie sera morte. Quand Mamie sera morte on transformera sa chambre. On arrachera la tapisserie et on peindra tout en blanc. Non tout rose. Tout vert. Beige. Quand Mamie sera morte, la table de nuit on en fera du bois de feu. Les autres meubles aussi tiens, on les passera à la hache. Elle se porte bien pour son âge, mais quand Mamie sera morte il faudra trier ses affaires. Tout ce qu’elle a pu entasser dans le tiroir du sommet. Même un bonnet de baptême. Quand Mamie sera morte tu sais on jettera tout en bloc, sinon ça fait mal au c?ur ces vieux habits sur les cintres. Oui quand Mamie sera morte, qu’est-ce que tu veux, il faudra faire place nette, débarrasser son fouillis, ça prend du temps de trier, on mettra tout à la benne. C’est sûr il faudra refaire sa chambre. Tu imagines, quand elle décède, ça va nous donner du boulot, de fond en comble rafraîchir. On refera la moquette, on va mettre du parquet, du frêne je pense, ça sera mieux, et au mur je vois bien une toile, quelque chose de coloré, gai. Une fois que Mamie sera morte tu sais on ne vivra plus pareil, tout sera vraiment différent, on fera des trucs exotiques à soulever avec les baguettes et la viande on la cuisinera bien saignante. Et j’ai pensé, du jour où elle sera décédée je crois bien qu’il va falloir euthanasier le chien, on jettera ses jouets et on versera ses biscuits sur la pelouse pour les merles. Je verrais bien tout en vert : les murs, les portes, les fenêtres. Cette pièce ça sera quelque chose, on pourrait arranger un bureau ou un boudoir, un salon, une salle pour le repassage. Si on abat la cloison ça serait immense comme living. Quand Mamie aura disparu il ne faudra pas s’imaginer qu’on aura d’un coup les moyens, d’abord il faudra compter les frais d’ensevelissement. On changera la voiture. Attendre que Mamie soit morte avant de couper le pommier, il est malade, c’est du travail de le sulfater chaque année. Mon Dieu le vide que ça fera, trouver vacant le fauteuil, j’ai le souci qu’à la longue on soit contraints de le donner, il y a du crin par-dessous qui fuit petit à petit. Une fois que Mamie sera morte il va falloir tout laver, qu’est-ce qui est mieux, oui on passera à la chaux, tout ça sera propre et net. Quel bouleversement quand même quand notre Mamie sera loin, on va avoir une sacrée place. On mettra de côté ses bijoux, ça n'a pas de valeur non, mais c’est par attachement. Ça serait joli quand même, d’autres rideaux aux fenêtres, des voilages moins épais tu vois, et si on ouvrait ici on pourrait faire une entrée, avoir une fois toute la place pour les chaussures et les vestes. Et de là un escalier, trois marches et faire une allée, tu sais j’ai toujours imaginé un bassin ou un étang biologique. Moi quand Mamie sera morte, j’ai déjà pensé, on pourrait faire une salle de bain pour les invités, qu’on ne les croise pas le matin quand ils sortent des toilettes, on est toujours emprunté. On pourra aller en Italie prospecter, là-bas ils ont du carrelage, ils ont un choix étonnant et ce n’est même pas hors de prix. Et puis manger à Bologne. On ira un week-end, on partira en avion, on partira chaque semaine, on prendra congé des fois le lundi matin. Ici déjà on est bien, mais quand Mamie ne sera plus et qu’on aura agrandi, on sera vraiment à notre aise. Je me demande si une fois qu’elle sera décédée ça ne serait pas le bon moment pour partir, partir une année tu vois, ou déménager franchement et prendre des années quelque part, voir une fois autre chose, ça ouvre les yeux, après tu reviens différent, il paraît quand tu reviens tu ne sais plus bien d’où tu es, en quelque sorte apatride. Cette Mamie quand même, quelle vie longue. Moi si je dois finir comme ça je préfère me faire une piqûre, si je ne peux plus sortir de chez moi je préfère tout de suite me flinguer, tiens j’écris tout de suite un papier qu’on me tue si je deviens comme Mamie, regarde où je le mets, je le mets là. De chaque côté de la fenêtre je verrais bien deux grands pots, deux oliviers je verrais, deux citronniers et leurs fruits, on en fera une serre, on va vitrer tous les murs, ça sera notre jardin d’hiver, ici on viendra fumer, on ne sera plus obligés de s’enrhumer sur le balcon. Il y aura des plants de tomates. Je vois bien une pièce toute jaune avec des nappes provençales, une sorte de morceau de sud pour quand il fait froid et sombre, un petit air de Provence, qu’est-ce que tu en dis, pour quand on a la déprime. Ou bien des jarres, genre amphores, de chaque côté de la porte, on peint en clair, des terres cuites, une ou deux liseuses dans le coin et on pourra s’allonger, tu vois la femme de Napoléon, un lieu où on peut rêver, ça sera drôlement agréable. Mais j’ai pensé, une fois la chambre libérée, on n'a pas vraiment de garage, ça serait peut-être l’occasion d’ouvrir complètement la paroi, on met la voiture à couvert et on installe un établi pour bricoler et un râtelier à skis. Quand Mamie sera morte je te dis, on sera nous-mêmes étonnés des mètres carrés dans cette pièce, on ne dirait pas mais d’une fois qu’on aura ôté le désordre, ça sera quatre fois plus large, ses plantes devant les fenêtres c’est ça qui pompe la lumière. Ça, quand Mamie sera morte crois-moi ça sera du travail, je pense qu’on devra prendre une benne, une autre solution je ne vois pas, à moins qu’on transporte toutes ses choses dans le coffre de notre voiture, remarque c’est encore faisable, avant d’acheter une belle neuve. Quand Mamie sera morte. Quand Mamie sera morte. Quand Mamie sera morte c’est fou le temps qu’on aura. On pourra enfin faire du sport. Tu sais quand Mamie ne sera plus là on sera en meilleure santé parce qu’on prendra le temps de nager et courir, et puis on aura nos salades, quand on aura fait le nécessaire et que le chien aura vidé la pelouse on pourra la retourner, comme c’était toujours notre envie et faire notre potager. Oui quand Mamie aura rendu l’âme, tu sais on aura un jardin, le pommier on va le couper, la souche on la fait arracher et on plantera des légumes, ça sera nettement plus sain, on pourrait même mettre des vélos dans cette chambre de Mamie et faire le soir de la gym. Ou bien ce qui serait assez dingue c’est d’y faire creuser une piscine et on plongerait chaque matin. Et c’est fou ce qu’on sera sociables, on fera le tapage qu’on veut, on pourra mener notre vie, je pense qu’une chose amenant l’autre on en viendra à acheter un gril pour les barbecues. On sera dehors tous les soirs à faire les fous sur la pelouse. Mais tu sais ce que je réalise, c’est qu’après le décès de Mamie on pourra avoir des hobbies, on aura du temps pour nous-mêmes, j’ai pensé que petit à petit on peut installer un atelier dans la chambre, on travaillera de nos mains, je me demande si je vais pas en profiter pour changer cette fois de métier, il y a longtemps que j’y pense, je tiens, je tiens, mais je me dis, quand Mamie aura trépassé est-ce que j’aurais le cran de partir et m’installer à mon compte. Tu sais ça peut fonctionner, faire là-dedans mon business et avec l’argent monter une annexe dans le jardin. Mais je ne crois pas qu’un sauna ça soit vraiment nécessaire. C’est dommage de devoir attendre la disparition de Mamie pour concevoir un enfant, mais comment faire avec elle, tu sais, si on attend trop longtemps on ira s’il faut en Hollande, on nous donnera des ovules, moi je dis quand Mamie ne sera plus, là on fera des bébés, c’est mieux ils auront plus de chances, on aura plus de temps pour eux et plus de nerfs, tu vois ce que je veux sous-entendre. Parce que maintenant comment veux-tu arriver à leur apprendre à nager, à leur apprendre à parler, à patiner, à marcher, moi je dis, plus tard oui, on ira à Londres, qu’ils parlent anglais sans se douter, mais tant que Mamie est en vie on est vissés à cette place. Mamie. Mamie. Mamie n'est pas encore morte, mais ça va sûrement pas tarder, le jour où ça sera arrivé on portera les habits qu’on ne sort jamais de l’armoire, des habits de cérémonie, on ne les porte pas, ils sont neufs. J’ai encore un peu réfléchi, pourquoi est-ce qu’on n'en profite pas pour surélever cette partie, une fois que Mamie a passé on s’en fout s’il y a du chantier, on pourrait faire un duplex, une mezzanine sur la chambre, louer à un étudiant, ça nous ferait une rentrée et peut-être on n'aurait plus besoin de travailler comme des mules, on pourrait reprendre des études, devenir enfin cultivés, c’est ce qui compte la culture et on est forcés à trimer, je sais c’est triste si Mamie succombe, mais quand ça sera arrivé on touchera à l’autre rive, la vie ne sera plus pareille, et pourquoi pas deux studios pour deux étudiants, comme ça on aura deux rentrées et on sera rassurés, ou deux chambres en haut, deux en bas, et des fours pour chauffer leurs plats, tu vois il y a des choses à faire, notre vie elle n'est pas si mal, mais quand Mamie, quand Mamie sera enterrée, on ne sera plus obligés de vivre plaqués l’un sur l’autre. On aura nos jardins secrets, c’est sûr on ne se disputera plus, on sera de nouveau aimables, c’est juste de se voir de trop proche, mais si on installe deux salles d’eau ça fera une grande différence, peut-être on aura une autre fois l’envie de, oui ça revient, dès que Mamie s’éteindra ça nous reviendra, presque sûr, une sorte d’hiver qui dégèle, on pourra unir nos deux mains et on trouvera ça délicieux. On pourra prendre de l’air. Et les chats, quand Mamie sera avec le chien décédée, sûr qu’on saura les convaincre, ils arrêteront de fuguer, ils feront leurs siestes à la niche au lieu de filer ventre à terre. Mamie n'est pas près de flancher, elle est d’une santé résistante mais on ne peut rien présager, il y a des fois des surprises, moi je dis quand Mamie aura une bonne fois un pépin ça peut s’enclencher assez vite, tu sais ça peut être une seconde, ça peut être l’histoire d’une seule fois, ça peut arriver là comme ça, que Mamie, que Mamie, ah Mamie quand elle va s’éteindre ça ne va pas être un moment facile, mais ensuite on pourra remuer, tu vois on pourra avancer, je me dis si on est renfermés ce n’est pas étonnant, c’est ce qu’on vit, mais si Mamie un jour flanche c’est fou ce qu’on sera disponibles, il n'y a pas besoin de chercher c’est notre Mamie, c’est Mamie, Mamie c’est ce qui retient tout, mais le jour où elle est en boîte, tu verras si tu sens des ailes, nous Mamie quand elle sera morte on pleure sûrement un bon coup, mais dans notre dos il y a des ailes, elles s’ouvrent et ça nous enveloppe et fini de tomber malade, on n'aura plus de douleurs et de rendez-vous chez le médecin. Parce que Mamie sera morte et nous on n'aura plus de souci. Et je vais te dire, les cigarettes, les bouteilles, eh bien on n'y touchera plus.