parution janvier 2010
ISBN 978-2-88182-662-7
nb de pages 304
format du livre 140 x 210 mm
prix 32.00 CHF

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Catherine Lovey

Un roman russe et drôle

résumé

Un homme est enfermé dans une colonie pénitentiaire en Sibérie. Il a tout perdu. Son immense richesse, son pouvoir, ses projets. Il s’appelle Mikhaïl Khodorkovski. Une femme, Valentine, se demande s’il existe encore des héros. Elle est fascinée par le destin de ce prisonnier russe. C’est une idée folle, bien entendu. D’ailleurs, tout le monde lui dit que ce type est un bandit, un sacré profiteur. Mais Valentine Y. s’entête. Elle quitte son pays, s’enfonce dans la Russie.

Cette histoire, qui se déroule aujourd’hui, est naturellement très romantique.

Visiter le site officiel de l'auteure : http://www.catherine-lovey.com/les-romans/un-roman-russe-et-drole/

biographie

Originaire du Valais, Catherine Lovey est née en 1967 au sein d’une famille de paysans de montagne. Elle se plonge très tôt dans la lecture et dans l’écriture. Après des études en relations internationales, complétées par un diplôme en criminologie, elle travaille en tant que journaliste de presse écrite, spécialisée sur les questions économiques et financières.

En 2005, elle publie son premier roman L’Homme interdit, suivi de Cinq vivants pour un seul mort (2008) et d’Un roman russe et drôle (2010). Véritable romancière, Catherine Lovey crée des univers narratifs de crise qui poussent ses héros à mettre en doute leur identité même. La disparition y est un motif récurrent. Ses personnages cherchent à instaurer de la clarté à travers des mots qui paraissent solides et ne cessent pourtant de leur échapper. Ils partent en voyage, s’engagent dans des recherches, essaient d’attraper la réalité pour y mettre bon ordre. Tout autour, le monde vacille.

« Catherine Lovey est une journaliste spécialisée en criminologie. Elle sait écrire et disséquer les âmes. Qu’espérer de mieux ? Le prochain Lovey. » (Anthony Palou, Figaro Madame, 10.12.2005)

 

Russe

Titre: Un roman russe et drôle

Éditeur: FluidFree Fly
Année: 2013

histoire de l'homme qui ne voulait pas mourir

Longtemps, la narratrice ne sait rien de son voisin de palier, sinon qu’il s’appelle Sándor, qu’il est hongrois et homme d’affaires. Mais quand celui-ci tombe malade, peu avant qu’un virus ne se propage sur la planète, un rapprochement s’opère entre ces deux êtres dépourvus de points communs.
À travers le portrait d’un individu énigmatique, de plus en plus fragile et bouleversant, Catherine Lovey nous livre celui de notre époque, sur laquelle elle pose un regard précis et frondeur.

Helvétique équilibre. Dialogues avec le Point de vue suisse du prix Nobel de littérature 1919

En 1919, Carl Spitteler (1845-1924) devient le premier Suisse à recevoir le prix Nobel de littérature. Notre point de vue suisse, son discours prononcé au début de la Première Guerre mondiale en faveur de la paix et de la neutralité, avait marqué l’esprit de Romain Rolland ou Blaise Cendrars. Le voici dans une nouvelle traduction. Cent ans plus tard, huit écrivains, alémaniques, romands et tessinois, entrent en dialogue avec l’écrivain. Quel rapport la Suisse et ses habitants entretiennent-ils avec leurs voisins européens ? Avec la question des migrants ? Les frontières sont-elles toujours aussi définies qu’il y a un siècle ? Quelles valeurs rattache-t-on aujourd’hui à cette fameuse neutralité helvétique ? Neuf textes et autant de points de vue sur des questions brûlantes. 

Né à Liestal, Carl Spitteler est un observateur critique des dogmes dominants au début du XXe siècle. Huit écrivains, de langues et de générations diverses, proposent en écho leur « point de vue suisse » : Adolf Muschg, Pascale Kramer, Fabio Pusterla, Daniel de Roulet, Dorothee Elmiger, Catherine Lovey, Tommaso Soldini et Monique Schwitter

Édité par Camille Luscher

Traduit de l’allemand et de l’italien par Étienne Barilier, Anita Rochedy, Marina Skalova, Mathilde Vischer, Lionel Felchlin, Camille Luscher,
Carnets ferroviaires. Nouvelles transeuropéennes

Que ce soit de Lausanne à Paris, de Vienne à Genève ou de Glasgow à Londres, chacun des treize auteurs de ce recueil situe son histoire à bord d’un train qui parcourt l’Europe. À l’occasion d’un long trajet en chemin de fer, l’une se souvient de son voyage dix ans plus tôt, elle traque la différence entre son être d’hier et d’aujourd’hui. Un autre se remémore la géniale arnaque dont il a été l’auteur, un troisième retrace l’incroyable hold-up ferroviaire du South West Gang dans l’Angleterre de 1963.

Ces nouvelles donnent une vue d’ensemble inédite sur la manière de concevoir l’Europe comme espace physique et symbolique. Les auteurs étant de générations très diverses, le lecteur appréciera les différentes manières d’appréhender notre monde proche et de s’y situer.

Nouvelles de Aude Seigne, Blaise Hofmann, Anne-Sophie Subilia, Gemma Salem, Bruno Pellegrino, Arthur Brügger, Daniel Vuataz, Marie Gaulis, Fanny Wobmann, Catherine Lovey, Julie Guinand, Guy Poitry, Yves Rosset.

Préface de Daniel Maggetti, postface de François Cherix

Monsieur et Madame Rivaz

Ce roman raconte la vie trépidante et ordinaire d’une jeune femme du XXIe siècle à l’esprit don quichottesque et qui, prise dans l’œil du cyclone, ne comprend ni ne maîtrise grand chose de ce qui lui arrive à elle en particulier et au monde en général. Avec une ironie mordante, l’écriture énergique, les réflexions de Catherine Lovey nous font traverser un monde archi contemporain, fourmillant de récits et de personnages, et nous promènent le long de milieux très différents, des hôpitaux aux paquebots, de l’université à la montagne. 

Monsieur et Madame Rivaz raconte l’histoire d’une femme qui va au combat pour retrouver un sens à la vie et au monde d’aujourd’hui. C’est un livre sur la possibilité ou l’impossibilité de la bonté.

Visiter le site officiel de l'auteure : http://www.catherine-lovey.com/les-romans/monsieur-et-madame-rivaz

L'Homme interdit (2011, Zoé poche)

L'Homme interdit

« J’ai reconnu le sac de linge sale de mon hôtel, mes pantalons et mes chemises, étalés sur une table noire. Certains de mes vêtements étaient emballés dans un plastique jaunâtre, déjà étiquetés. J’ai vraiment commencé à comprendre qu’aux yeux de la police judiciaire, je n’étais pas juste un pauvre type dont l’épouse s’est volatilisée. »

Visiter le site officiel de l'auteure : http://www.catherine-lovey.com/les-romans/l-homme-interdit/

Cinq vivants pour un seul mort

«Jeudi dernier, mon ami Markus Festinovitch s’est jeté par une fenêtre. C’était mon meilleur ami. Il avait garé sa voiture sur Oberholzstrasse. Il visitait un logement rénové en compagnie de Gabriella. Je ne sais pas depuis combien de temps Gabriella était sa maîtresse. Peut-être deux ans. C’est ce que je dirais. L’appartement donne sur Kohnzingerstrasse. On voit le fleuve depuis neuf des quatorze

fenêtres de cette habitation, elles sont toutes hautes et très larges, sauf celle par laquelle Markus s’est jeté, qui est plus petite et assez difficile d’accès. »

Visiter le site officiel de l'auteure : http://www.catherine-lovey.com/les-romans/cinq-vivants-pour-un-seul-mort/

L'Homme interdit

"C'est à ce moment-là que ça m'est tombé dessus. Une fois à bord. J'étais coincé dans la ceinture du siège, forcé à l'inactivité, mon contrat était derrière moi, alors la nouvelle de la dsparition de ma femme m'est tombée dessus. Je suppose que, par un processus inconscient, j'ai épelé longtemps cs mots dans ma tête, avant qu'un sens n'en émerge. Je ne peux pas dire que j'aie saisi le fait que mon épouse avait disparu, ni mesuré les implications exactes de cette information. Mais, dans cet avion, j'avais soudain franchi une étape, en reliant le mot "disparition" au prénom "Rachele", celui de mon épouse, tandis que l'hôtesse déposait sur ma tablette un sandwich au cresson. Tout ce que je déteste."

 

L'Homme interdit est le premier roman de Catherine Lovey.

Visiter le site officiel de l'auteure : http://www.catherine-lovey.com/les-romans/l-homme-interdit/

Un roman russe et drôle: extrait

 

« Alors, me revoilà à déambuler le long du fleuve sans savoir que faire de ma personne. Cependant, le soleil descend à l’horizon et les vagues de l’Amour virent au noir. Sur cette rive-ci comme sur l’autre, les chiens ghiliak élèvent un concert de hurlements forcenés. Pourquoi suis-je venu ici ? me demandé-je, et il m’apparaît qu’entreprenant ce voyage, je me suis comporté avec une terrifiante légèreté.»

Anton Tchekhov, L’Île de Sakhaline, notes de voyage.

 

   Il faudra dire la vérité, toute la vérité, me dit mon ami S. en frappant la table du dos de sa main droite. Il me regarde avec de la désolation dans les yeux, parce que cette vérité, il la connaît déjà, et d’ailleurs il l’énonce, je regrette de te le dire comme ça, mais une fois de plus, tu vas t’intéresser à un type minable et surtout sans scrupule (S. frappe deux fois sur la table en prononçant l’expression sans scrupule), et si ça se trouve, tu vas faire de ce personnage méprisable, haïssable, un héros. Oui, me dit S., tout peut arriver avec l’écriture, tout arrive dans un roman, en es-tu seulement consciente, me demande-t-il avec des yeux tristes et une voix triste.

 

Autour de nous, les enfants courent dans le jardin, se bousculent, se disputent. Ils viennent, par petites grappes, demander aux adultes assis autour des tables s’il serait enfin possible, maintenant, d’entrer dans la maison pour jouer avec les ordinateurs ou avec la télé. Les adultes répondent non non non, pas de télé, pas d’ordinateur ce soir, ils interdisent l’accès de la maison aux enfants, et surtout l’accès aux écrans, allez ouste, amusez-vous dans le jardin, quel beau jardin, quelle belle soirée, quelle douce soirée de juillet.

 

Mon ami S. boit beaucoup. Il parle et boit beaucoup. Ton fameux oligarque, reprend-t-il en me regardant par en dessous, est un type qui a pillé son pays, s’est enrichi au-delà de toute mesure, sans compter les meurtres crapuleux qu’il a dû faire exécuter, parfaitement, dit S., et ne viens pas me dire qu’il n’a fait liquider personne.

Je suis en train de dépecer une figue et j’ouvre la bouche pour le fruit et aussi pour essayer de dire quelque chose, mais c’est trop tard. S. vide son sac, il ne veut pas connaître mon avis, il tient seulement à m’infliger le sien. Il dit quand on est dans le pétrole, comme ton copain Khodorkovski (je voudrais préciser que l’oligarque n’est pas mon copain, mais je ne peux pas le faire, puisque je suis en train de sucer une figue), et qu’on a réussi, comme il l’a fait en deux temps trois mouvements, à se mettre quinze milliards de dollars dans sa grosse poche personnelle (il faut savoir de quoi on parle, grimace S.), et cela dans un pays où le peuple crève de désespoir, frappe-t-il une nouvelle fois sur la table, ce qui est pire encore que de crever de faim, relève-t-il, eh bien, on a forcément des ennemis autour de soi, car la rapacité attire la rapacité, ma chère, et entre rapaces, on s’entretue.

Mon ami S. qui a laissé pousser ses cheveux depuis quelques mois tient à me le dire franchement et il me le dit, je ne comprends pas pourquoi tu t’intéresses à ce genre d’individu qui ne vaut pas le début du commencement d’un vieux kopeck, vraiment, je ne comprends pas ton attitude, c’est carrément...

carrément, répète mon ami S.,

carrément immoral, suggéré-je pour l’aider à trouver son mot introuvable,

carrément dérisoire, tranche S. qui a mis la main sur le bon adjectif.

Dérisoire, répété-je, étonnée, tu veux vraiment dire dérisoire?

Je propose dérisoire ou amoral?

Dérisoire, s’obstine S., sincèrement désolé pour moi.

Il ajoute dérisoire, c’est pire.

Puis il nous ressert du vin, alors que nous avons déjà beaucoup bu tous les deux.

 

Des enfants pleurent dans l’obscurité, des voix de petits qu’on sent dépités et fatigués. Soudain, une femme dit qu’il faudrait coucher les petits, cette femme c’est Danielle, impeccablement sobre, toujours consciente de ses devoirs, bientôt suivie par d’autres voix féminines qui reprennent en chœur ce il faudrait coucher les petits, les petits, les petits, mais combien sont-ils, et où sont-ils, va-t-on les retrouver tous, cachés dans les buissons et dans les branches des arbres?

 

J’observe mon ami S. qui boit vite, par à-coups précipités, comme si un train n’allait pas tarder. Je le vois qui boit et ne bronche pas, on dirait qu’il n’entend pas les larmes des enfants, qu’il n’a pas entendu la voix de Danielle et celles des autres femmes. Elles ont pourtant dit qu’il était temps de coucher les petits, elles s’adressaient à tout le monde, forcément, dans cette douce soirée de juillet, et aussi à mon ami S., qui est lui-même père de deux enfants en bas âge, et père de deux autres enfants d’âge moyen, et célibataire désormais, deux fois divorcé, quatre fois père, de nouveau libre à quarante-trois ans, avec des cheveux qui poussent facilement, plutôt poivre et sel, sur un crâne qui ne veut plus entendre parler du mariage, ni de la paternité, merci.

 

 

Quand je regarde mon ami S. et que je pense à ce temps lointain où il prétendait ne plus m’aimer et où je prétendais ne l’avoir jamais aimé, tandis qu’ensemble nous regardions l’amour de haut, je me dis que nous aurions mieux fait de lire moins et de vivre davantage. Aujourd’hui, nous écrivons tous les deux. À dire vrai, nous écrivions déjà dans ce temps-là, certes avec moins de constance, mais tout cela ne témoigne pas d’une évolution foudroyante de nos vies. En cette nuit de juillet où mon ami S. me dit qu’il ne comprend pas du tout l’intérêt que je porte à l’oligarque russe Mikhaïl Borissovitch Khodorkovski, emprisonné dans un bagne sibérien, et où il me laisse entendre qu’il méprise cet intérêt, et tout autant la fascination que ce type de personnage (il prononce le mot personnage avec dégoût) exerce sur moi, une chose m’apparaît certaine: si j’avais épousé S. à l’époque où il prétendait ne plus m’aimer et où j’affirmais ne l’avoir jamais aimé, et où il voulait m’épouser tout de même, alors mon bel ami compterait trois divorces à son actif, en lieu et place de deux, en cette douce nuit d’été. Cela sans considérer l’enfant que nous aurions sans doute eu et qu’il nous faudrait, à l’instant, aller décrocher d’un arbre, pour le faire coucher en même temps que tous ceux qui hurlent à la mort dans ce jardin.

 

Assise sur une chaise, sous le tilleul qui a heureusement cessé de faire couler sa sève sucrée depuis quelques semaines, je respire l’air parfumé de cette soirée entre amis et je cherche des yeux, dans les buissons environnants, l’enfant que nous n’avons pas eu, mon ami S. et moi. Pourtant, je me sens prête à me lever et à courir dans le jardin avec les autres femmes, et à mettre la main sur des jambes ou des bras de bambins, et à traîner ces membres jusque vers des lits, impitoyablement, ce qui me permettrait d’échapper aux reproches non formulés de mon cher S. qui, ajoutés à tous ceux qui le sont, font beaucoup de reproches pour une seule nuit d’été.

 

Depuis quelques minutes, Marine s’est approchée de notre bout de table. Elle porte désormais une coupe au carré qui ne lui va pas du tout, alourdit encore son visage, mais qui n’ôte rien à sa principale caractéristique, une joie de vivre inépuisable, sans doute d’origine divine. D’ailleurs, Marine rit en s’assoyant tout près de S., et elle rit encore davantage en lui tapotant les joues, comme elle le faisait déjà il y a plus de vingt ans. Elle me regarde et elle sait que nous pensons toutes deux à la même chose, aux trémolos qui se coinçaient dans la gorge de S., et qu’il fallait décoincer, quand, étudiant autrefois ensemble, S. monopolisait déjà la parole. En deux décennies, notre ami commun n’a jamais cessé d’avoir des choses à dire. Cette constance bordée de suffisance nous irrite, tant Marine que moi, mais d’abord elle nous rassure. Au milieu de nos rêves abrégés, de nos renoncements multiples, les théories de notre ami sont comme une vieille armoire posée dans un coin. Inutile, démodée, mais qui libère toujours le même parfum quand on l’ouvre. Marine et moi aimons humer cette odeur-là, et plus encore constater qu’à l’intérieur, le temps n’est qu’un coléoptère sans intérêt, traversé par une grosse épingle.

 

Si tu tiens absolument à retourner en Russie, me dit Marine en continuant à caresser le visage de S., tu ferais mieux de t’intéresser à leurs tueurs en série. Ils ont là-bas des modèles invraisemblables et qu’on ne trouve nulle part ailleurs, crois-moi, pas même aux États-Unis.

Exactement, dit S., comme s’il lui était arrivé, une seule fois dans sa vie, de songer aux tueurs en série russes.

Je regarde S., puis Marine, et une furieuse envie de fumer me prend.

Tu n’as jamais entendu parler du tueur à l’échiquier?

Du boucher de Rostov?

Alors du monstre d’Irkoutsk?

Marine me le demande.

Je réponds que non.

Je précise que je me fiche des tueurs en série, quel que soit le pays où ils officient.

Tu as tort, me dit Marine, c’est un sujet fascinant, et la question de savoir si chaque pays ne produit pas les tueurs en série qu’il mérite n’a pas été tranchée. Il serait temps que quelqu’un s’y attelle, dit-elle encore, ajoutant son inévitable crois-moi.

D’une façon générale, je n’hésite pas à croire Marine, et dans les cas particuliers non plus, pour la bonne raison que cette amie de longue date, désormais américaine, travaille outre-atlantique pour le compte de divers États en tant que profileuse très recherchée, comme on dit aujourd’hui, sur les dossiers criminels les plus vertigineux qui soient. Quand il lui arrive d’insister beaucoup pour m’en raconter certains, je tombe sous l’emprise de terreurs telles que, durant plusieurs semaines, je n’ose même plus monter seule dans ma propre voiture. Rarement paradoxe ne m’aura paru plus saisissant que cette débonnaire Marine, que je placerais volontiers comme animatrice socioculturelle dans un home pour personnes âgées, occupée en réalité à remonter la trace des plus grands pervers de la planète. Or, je sais non seulement que cette petite femme arborant une coupe au carré déplacée dort d’un sommeil de plomb et mange avec appétit, mais qu’elle se rend aussi, presque tous les samedis soir, à son club de danses folkloriques du Nevada, revêtue d’une épaisse robe de dentelles et d’un tablier jaune.

Marine insiste avec ses tueurs.

Ne me dis pas que tu n’as jamais entendu parler d’Alexandre Pitchouchkine?

Je fais non de la tête.

D’Andreï Tchikatilo? De Sacha Spesivtsev?

Je nie une nouvelle fois.

Ce n’est pas possible. Marine s’impatiente et cite des noms à la chaîne. Je secoue ma tête comme s’il fallait en faire tomber des figues.

J’allume une cigarette exprès sous son nez, car je sais que seule la fumée est en mesure d’instiller chez cette femme imperturbable le début d’un sentiment proche de la panique.

Tu prononces extrêmement mal les noms russes, lui lancé-je. Et je souffle la première bouffée en direction de son visage, qui se contracte terriblement, malgré sa rondeur.