domaine français

La littérature n’est guère sensible aux frontières, et les catégorisations nationales présentent des inconvénients évidents. La littérature romande n'est en aucun cas un label: pas de lunettes romandes donc pour lire les textes qui parviennent en français aux éditions Zoé. Si nous publions beaucoup d’auteurs qui vivent en Suisse romande ou qui en sont originaires, c’est par simple principe de capillarité : les meilleurs textes que nous recevons en français viennent, assez naturellement, de là.

Il est vrai pourtant que l’environnement dans lequel on a grandi ou dans lequel on vit, qu’il soit culturel, linguistique ou géographique, joue et jouera toujours un rôle : cela, ni l’internet, ni la mondialisation ne l'effaceront.

La spécificité des auteurs en lien avec la Suisse romande alors ? S’il devait y en avoir une, ce serait qu’ils ont affaire à un territoire très petit, souvent trop fermé, et protégé, mais d’une rare richesse topographique et linguistique. Ici, peut-être plus qu’ailleurs, il n’y a pas un français, mais mille manières de parler cette langue, à vrai dire, autant de manières que de locuteurs.

Comme le disait Ramuz dans sa lettre à Bernard Grasset,  nous vivons dans un pays à la fois « trop proche et pas assez » de la France, « trop  français et pas assez », dans une province qui n’en est pas une. Nous sommes « des Français de langue, disait-il encore. Nous sommes à la fois liés avec vous par une étroite parenté (la plus forte à vrai dire, la plus authentique, la plus durable, la plus profonde des parentés) et étrangers à vous pourtant pour de nombreuses autres raisons (...).  Vous, voyez, nous sommes à cheval ».

Un entre-deux évidemment propice à l'écriture, un "décalage fécond" pour citer  Jean Starobinski.