parution mai 2010
ISBN 978-2-88182-673-3
nb de pages 64
format du livre 105 x 150 mm
prix 5.00 CHF

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Friedrich Dürrenmatt

La Panne (version scénique)

Traduit de l'allemand par H. Mauler et R. Zahnd

résumé

« Traps. Quel crime suis-je donc censé avoir commis ?

Le Procureur. Un point sans importance, mon ami. Il y a toujours un crime à trouver. »

 

Dans ce texte clé de l’œuvre de Friedrich Dürrenmatt (1921-1990), la différence entre la culpabilité et l’innocence, entre la justice et l’injustice s’estompe, pendant que la toute puissance des mots se déploie.

 

Nouvelle traduction de la version radiophonique de La Panne (1955).

 

Préface de Hélène Mauler

biographie

Ecrivain et auteur dramatique, Friedrich Dürrenmatt (1921-1990) s’est inlassablement passionné pour les grands débats politiques de son époque. Il ne les a pas seulement abordés par la fable symbolique ou la satire, mais aussi par l’essai. 

Le Collaborateur (2014, domaine allemand)

Le Collaborateur

 

 

Cette pièce de théâtre, jouée au Schauspielhaus de Zurich en 1973, met en scène le personnage de Doc, un biologiste de renommée mondiale rétrogradé au rang de chauffeur de taxi en raison de la crise économique. Révolté contre son sort, il découvre une fantastique machine à détruire, la vend à un chef mafieux, d’où il s’ensuit une vaste escroquerie couverte par le chef de la police, le procureur, un juge et le maire. Tous collaborent.

Dürrenmatt, fâché de l’insuccès de la pièce, y ajoute des postfaces brillantes, essais et récits sur le thème de la collaboration qui forment les trois quarts du livre.

 

Traduit de l'allemand par Etienne Barilier et Patrick Vallon

Essai sur Israël (2002, domaine allemand)

Essai sur Israël
Traduit de l'allemand par E. Barilier

Répliques. Entretiens, 1960-1990 (2000, domaine allemand)

Répliques. Entretiens, 1960-1990

Dürrenmatt n’a pas seulement livré sa pensée dans son théâtre et ses romans. Durant toute sa carrière d’écrivain, il a répondu, à brûle-pourpoint, à des questions que lui posaient les interlocuteurs les plus divers, journalistes ou confrères. Il a raconté son enfance, son expérience de la guerre, ses voyages, ses maladies. Il a parlé littérature, peinture, théâtre ou politique. La richesse et l’originalité de ses propos justifient largement qu’après sa mort on les mette à la disposition des lecteurs, qui découvriront dans ces pages un très grand témoin du siècle qui s’achève.

Traduit de l'allemand par E. Barilier

Correspondance (1999, domaine allemand)

Correspondance

Frisch et Dürrenmatt, ces deux grands écrivains que l’opinion publique et la critique, en dépit de leurs différences, ont parfois voulu rapprocher jusqu’à les confondre, ont mené un dialogue épistolaire où s’affirme avec force leurs personnalités irréductibles. Ce dialogue va durer près de quarante ans (de 1947 à 1986), mais sera coupé de longs silences, souvent éloquents.

Frisch et Dürrenmatt s’admirent et s’estiment. Ils se lisent mutuellement, avec une remarquable attention. On les voit cependant manifester leurs réserves autant que leur approbation : il s’agit pour eux de marquer leur territoire littéraire, de se définir au miroir d’autrui.

Cette correspondance erratique, à la fois intense et détachée, désinvolte et grave, qui par moments devient tendue et presque hostile, nous permet d’approcher deux personnalités, et deux visions du monde. Elle nous révèle l’homme Frisch, l’homme Dürrenmatt, et leur humaine rivalité. Mais elle jette aussi, sur leurs œuvres, une lumière singulière.

Cette correspondance est précédée d’un brillant essai de Peter Rüedi, familier de l’œuvre des deux grands écrivains, qui brosse leurs portraits contrastés, et rappelle les circonstances (personnelles, historiques et politiques) de leur échange épistolaire.

Traduit de l'allemand par E. Barilier

Le Retraité (1996, domaine allemand)

Le Retraité

A la veille de sa retraite, le commissaire Höchstettler, franc-tireur perspicace et sympathique, adopte un comportement qui fait scandale : il rend visite aux auteurs de délits demeurés impunis, et parvient aisément à les confondre, preuves à l’appui. Mais c’est pour les laisser courir. Mieux, il entreprend un cambriolage en compagnie de deux d’entre eux. Le commissaire est-il devenu criminel ? Tout au contraire, on comprend bientôt que chacun de ses actes, si stupéfiant soit-il est inspiré par la compassion pour les hommes et la passion de la justice – la vraie, pas celle des commissariats et des prétoires.

Une telle passion, la société ne peut que la contrarier, de toute son inertie et de toute sa violence. Plus les causes défendues par le commissaire seront nobles et vitales, plus il lui sera difficile de les faire triompher. C’est ainsi qu’il va se trouver pris au piège d’une affaire tragique où son courage et son intelligence risquent bien d’être écrasés par la sempiternelle coalition des intérêts, des ambitions et des bienséances.

Dürrenmatt n’a pas achevé ce roman. Mais la puissance de l’auteur est là tout entière, et son audace, et son humour. Brusquement interrompu, comme étranglé par le silence, son cri de révolte n’en est que plus déchirant.

Etienne Barilier

Traduit de l'allemand par Etienne Barilier
Pour Václav Havel

Friedrich Dürrenmatt est mort à 69 ans le 14 décembre 1990, quelques jours après avoir prononcé ce discours à l'occasion de la remise du prix Gottlieb Duttweiler à Václav Havel. Ce texte a été perçu comme le testament de l'écrivain. Dürrenmatt analyse l'échec du communisme puis il compare le grotesque des pays de l'Est avec le grotesque suisse, moins apparent mais aussi tragique. Une de ses phases est devenue particulièrement célèbre : "Chaque prisonnier fait la preuve de sa liberté en étant lui-même son propre gardien."

Traduit de l'allemand par G. Musy
Der Hund, Der Tunnel, Die Panne/Le Chien, Le Tunnel, La Panne

Dans le chien (1946/47), un prédicateur prêchant l'Evangile dans le labyrinthe d'une ville inconnue, aux côtés d'un chien terrifiant, est soudain dévoré par le molosse qui disparaît aux côtés de la jeune fille à la lueur de la nuit. Dans Le Tunnel (1952), un express s'enfonce entre Berne et Zurich dans un tunnel ouvrant sur un effrayant abîme. La Panne (1956), qui complète le volume, est un des chef-d'oeuvre d'humour noir. Quatre vieillards étranges et grotesques célèbrent avec un visiteur inattendu un banquet jubilatoire. Soudains les convives se lancent dans leur jeu favori, la représentation d'un tribunal en la présence d'un inquiétant bourreau, et les festivités culminent par la condamnation du nouvel arrivant à la peine capitale.

Traduit de l'allemand par W. Weideli et A. Guerne

Pour Václav Havel (1990, domaine allemand)

Pour Václav Havel
Traduit de l'allemand par G. Musy

La Panne (version scénique): extrait

 

LES VOIX

 

ALFREDO TRAPS

LE GARAGISTE

L’AUBERGISTE

LE JUGE

LE PROCUREUR

L’AVOCAT

PILET

SIMONE

TOBIAS

 


 

Musique légère de variétés. Une automobile qui roule.

 

TRAPS. Ce Wildholz ! Il va la sentir passer. Bon sang de bon sang ! Comme une brute, je vais faire comme une brute. Je vais lui tordre le cou à celui-là. Va être surpris. Intraitable ! Pas de pardon, pas de pitié. Non. Pas à moi. Croit peut-être que je suis de l’Armée du Salut. Cinq pour-cent qu’il veut me rabioter. Cinq pour-cent ! Je flaire la combine. Une chance que ça ait marché avec Stürler. C’est un petit pactole, je l’ai joliment roulé. – Allons bon, qu’est-ce qu’elle a tout à coup la voiture ?

 

Bruits de voiture.

 

TRAPS. Arrêtée. Rien à faire. Au moins il y a un garage dans le coin. Hé, vous là !

LE GARAGISTE. Qu’est-ce qu’elle a votre Studebaker ?

TRAPS. Seul le diable le sait. J’allais prendre cette petite montée, voilà qu’elle n’avance plus d’un pouce.

LE GARAGISTE. Laissez-moi un peu voir.

 

Manipulations.

 

LE GARAGISTE. Aha. – Vous voyez ?

TRAPS. En effet ! Grosse réparation en perspective, on dirait.

LE GARAGISTE. Je pense aussi.

TRAPS. Pour quand pouvez-vous remettre la voiture en état ?

LE GARAGISTE. Demain à sept heures, vous pourrez venir la chercher.

TRAPS. Seulement demain ?

LE GARAGISTE. Il est quand même six heures du soir.

TRAPS. C’est loin jusqu’à la gare ?

LE GARAGISTE. Une demi-heure.

TRAPS. On peut passer la nuit au village ?

LE GARAGISTE. Renseignez-vous « A l’Ours ».

TRAPS. D’accord. Mais je serais curieux de savoir ce qu’il peut bien avoir, le moteur. Qu’est-ce que j’y comprends à tout ça. On est livré aux garagistes comme autrefois aux chevaliers pillards. « L’Ours ». Le gros, là, c’est sûrement l’aubergiste ?

 

Notes d’accordéon. Bruit de fête.

 

TRAPS. Une chambre libre ?

L’AUBERGISTE. Désolé. Tout est occupé. L’Association des éleveurs de petit bétail tient son assemblée.

TRAPS. D’autres auberges au village ?

L’AUBERGISTE. Aussi occupées par les éleveurs de petit bétail. Mais allez donc voir Monsieur Werge à la villa blanche, la rue principale tout droit et ensuite à gauche, il prend des hôtes.

 

Les notes d’accordéon se dissipent lentement.

 

TRAPS. J’aurais quand même dû prendre le train. Mais il ne part que dans une heure, et puis je devrais changer deux fois. Trop flemmard pour ça. Et je devrais de toute façon chercher la voiture demain. Le village a l’air agréable. Eglise, vieux chêne, des pavillons individuels, sûrement à des retraités et à des anciens fonctionnaires de la ville, des fermes, costaud, nickel, même le fumier est soigneusement entassé. Le mal que se donnent les gens.

 

Meuglements. Tintements de cloches.

 

TRAPS. Des vaches. Manquait plus que ça. Vraiment la campagne. Belle soirée d’été, le soleil encore haut dans le ciel, demain le jour le plus long. Peut-être qu’on peut en profiter, parfois on croise des filles très sympas dans un trou pareil, une Louise, une Catherine, comme l’autre jour à Grossbiestringen, c’était une super nuit, Evchen elle s’appelait. La villa, entourée de hêtres et de sapins, un assez grand jardin devant, bien bien, vers la route des fruitiers, des carrés de légumes, partout des fleurs. Bizarre, qu’ils prennent des hôtes ici, on dirait une sorte de pension. Des gens qui ont méchamment besoin de fric.

 

Le grincement d’une porte de jardin.

 

TRAPS. Personne en vue. Des allées de gravier. Ohé !

LE JUGE. Vous désirez ?

TRAPS. Monsieur Werge ?

LE JUGE. C’est moi.

TRAPS. Je m’appelle Traps, Alfredo Traps !

LE JUGE. Enchanté.

TRAPS. On m’a dit qu’on pouvait dormir chez vous. Je suis en panne.

LE JUGE. On peut.

TRAPS. Et combien demandez-vous ?

LE JUGE. Rien.

TRAPS. Rien ? Eh bien ça alors. Vous devez être le Père Noël en chair et en os ?

LE JUGE. Approchez. Venez dans la véranda.