parution août 2024
ISBN 978-2-88907-416-7
nb de pages 352
format du livre 140x210 mm

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Katja Schönherr

La famille Ruck

Traduit de l'allemand par Barbara Fontaine

résumé

Si son fils Carsten s’était un peu soucié d’elle, cette chute dans les escaliers aurait pu être évitée. C’est ce que pense Inge, seule dans sa chambre d’hôpital, le col du fémur fracturé. Carsten n’a d’autre choix que de passer l’été au chevet de sa vieille mère. Il embarque avec lui Lissa, son adolescente de quinze ans. Drôle de colocation, dans ce village de l’ex-Allemagne de l’Est, pour les trois membres de la famille Ruck, qui n’ont guère en commun que leur nom. Inge admet mal les idées de sa petite-fille; encore moins l’attitude fuyante de Carsten, toujours prêt à partir au quart de tour.
À travers cette comédie sociale et familiale, Katja Schönherr érige le portrait impitoyable, terriblement réaliste, de trois générations en proie au malentendu.

biographie

Née à Dresde en 1982, Katja Schönherr avait sept ans lors de la chute du mur. Elle vit aujourd’hui en Suisse et écrit des textes aussi bien journalistiques que littéraires. Marta et Arthur est son premier roman. Il a reçu le prix Millepages 2021.

Marta et Arthur

Marta était à peine sortie de l’adolescence quand elle a rencontré Arthur, l’homme aux yeux menthe givrée. Et voilà qu’Arthur est mort, étendu à ses côtés. Tout au long de la journée tourmentée qui suit ce mystérieux décès, les souvenirs remontent pour dérouler l’histoire d’une relation faite de non-dits, d’incompréhension et de petites cruautés. Quarante années, au cours desquelles Marta a pris soin de peigner tous les jours les franges du tapis pour qu’elles soient bien droites, tandis qu’Arthur montrait plus d’affection pour son aquarium que pour son propre fils. Dosant avec virtuosité une intrigue digne d’un roman noir, propulsée par son extrême sensibilité littéraire, Katja Schönherr nous offre un premier roman palpitant et glaçant sur deux êtres aussi incapables de vivre ensemble que l’un sans l’autre.

PRIX MILLEPAGES 2021

Roman traduit par Barbara Fontaine

La famille Ruck: extrait

Inge tourne la tête vers la femme qui est couchée dans le lit voisin. Au moins dix ans de plus que moi, songe-t-elle. Celle-là est vraiment vieille. Comment peut-on ronfler aussi fort? Même Richard, le mari d’Inge, ne ronflait pas comme ça quand il était encore en vie.

Inge essaie d’attraper le verre d’eau qui est posé sur sa table de nuit. Il est trop loin, elle ne l’atteint pas. Elle est immobile, son bras est suspendu à la perfusion.
Et l’infirmière ne lui a pas encore apporté d’eau gazeuse.
Et sa voisine de chambre continue à ronfler.
Et cette nuit les crapauds de l’étang vont encore pétarader sous la fenêtre.
Et Carsten ne se montre pas. Carsten ne se montre pas du tout.
Il a dit au téléphone qu’il ne pouvait absolument pas abréger son déplacement professionnel. Il est à Bruxelles – une fois de plus. Il doit s’occuper «de tout».
Il doit toujours s’occuper de tout. De tout sauf d’Inge.
Quand elle demande quelque chose à Carsten, elle a l’impression de sonner à une porte en sachant qu’il y a quelqu’un, mais personne ne lui ouvre.
Quant à Jens, le «grand», elle ne l’a même pas appelé. Qui sait combien ça coûte d’appeler aux États-Unis avec le téléphone de l’hôpital. Et sans doute que là-bas ce serait le milieu de la nuit; est-ce qu’elle doit ajouter ou retirer six heures, elle n’arrive pas à retenir ça.

L’indifférence de Carsten n’a certes pas surpris Inge, mais ça l’a blessée. Carsten est fort pour blesser. Carsten est le «petit», deux ans de moins que Jens. Et secrètement elle l’a toujours un peu préféré. Inge a beau avoir essayé d’écarter ce penchant, c’était comme ça depuis le début: Carsten réchauffait les parties vides, en elle, que Jens n’atteignait jamais.

Elle ne peut pas oublier la première fois où Carsten, devant le miroir, avait montré son ventre de son petit doigt boudiné en disant «Moi!» D’ailleurs, la précocité avec laquelle il avait clairement prononcé «moi» aurait dû lui apparaître comme un présage. Mais elle est restée aveugle face à l’égoïsme de Carsten, ne voyant que ses yeux rayonnants au battement de cils particulièrement long. D’une certaine manière, tout était plus agréable avec Carsten qu’avec Jens: le nourrir, le baigner, l’envelopper dans une serviette et le serrer contre soi. Lui caresser la nuque, qui entrait parfaitement dans l’arrondi de sa paume. Le regard vif de Carsten faisait vraiment ressortir le caractère fermé, hostile et buté de Jens.
Cela fait longtemps qu’elle n’attend plus rien de Jens, mais de Carsten, par contre, si.

C’est la faute de Carsten si elle est à l’hôpital, se dit Inge.