parution avril 2015
ISBN 978-2-88182-946-8
nb de pages 448
format du livre 140 x 210 mm

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Christophe Büchi

Mariage de raison. Romands et Alémaniques : une histoire suisse (nouvelle édition)

Traduit par Ursula Gaillard et repris en français par l'auteur

résumé

Ce livre n’est pas un pamphlet de plus, mais une tentative de comprendre comment la Suisse multilingue s’est formée, comment elle a aménagé ses relations avec les pays voisins et comment le « mariage de raison » entre Romands et Alémaniques a évolué au cours des siècles.

Voici une histoire suisse racontée avec un humour et un sens de l’à-propos dont Christophe Büchi a le secret ; ou comment le rude Alémanique, affranchi de la sphère d’influence germanique, a ravi la langoureuse Romandie. Au fil d’un récit richement documenté, on redécouvre les balbutiements de cette union – à laquelle se joignent italophones et romanches – qui deviendra un véritable mariage de raison, parfois source de stabilité pour les époux, mais aussi de contrainte. C’est en analyste avisé de l'histoire et de l'actualité autant qu’en conseiller matrimonial que Büchi répond à la question : y a-t-il encore dans le ménage helvétique la passion nécessaire pour préserver cette union ?

biographie

Christophe Büchi est né en 1952 à Fribourg (Suisse), ville bilingue par excellence, de parents alémaniques. Diplômé en sciences politiques et en philosophie aux universités de Fribourg et de Lausanne, il est l’auteur d’une thèse de doctorat sur les crises médiatiques. Au fil d’une carrière de journaliste, pendant laquelle il travaillera une quinzaine d’années comme correspondant de la NZZ (Neue Zürcher Zeitung), l’un des plus prestigieux quotidiens de langue allemande, il est devenu un véritable passeur entre les cultures alémanique et romande. Lauréat de plusieurs prix de journalisme, aussi bien en Suisse allemande (Foire de Bâle, 1984, prix de la Fondation Örtli 2011) qu’en Romandie (prix Jean Dumur 1986), il est l’auteur de plusieurs livres sur la culture et l’identité suisses, écrits en français ou en allemand. Christophe Büchi personnifie, par son bilinguisme, une facette de la complexité linguistique helvétique. 

 

"La cohésion nationale suisse ne passe pas forcément par les langues"

Le journaliste et ancien correspondant en Suisse romande de la NZZ Christophe Büchi est revenu dans le Journal du matin sur la guerre des langues enseignées à l'école primaire annoncée en Suisse.

"On assiste à une guéguerre des langues en Suisse. Je ne pense pas que la cohésion nationale soit en danger si des langues "étrangères" venaient à disparaître de l'enseignement primaire", a expliqué Christophe Büchi, regrettant toutefois l'annonce du canton de Thurgovie, dont il est originaire, de supprimer l'enseignement du français à l'école primaire dès la rentrée 2016.

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"... [Un] livre qui permet de relire une histoire suisse sous l'angle de la rencontre entre deux cultures majeures." Pierre Emonet

L'Echo Magazine

Regard pertinent sur la Suisse

« Né en 1952 à Fribourg, originaire de Thurgovie mais ayant également des racines tessinoises, le Lausannois d’adoption Christophe Büchi a été correspondant de la prestigieuse Neue Zürcher Zeitung en Suisse romande de 2001 à 2014. La première édition de Mariage de raison a rencontré un beau succès en 2001. La lecture de cette seconde édition, augmentée et enrichie du fait du laps de temps écoulé (quinze ans, ce n’est pas rien), est aussi revigorante que la première si ce n’est plus. Balayant large, avec précision et un sens aigu des nuances, l’essayiste évite sans peine le caractère injuste du pamphlet et les œillères idéologiques pour raconter, sur la base d’une assise historique fondée, la relation multiséculaire entre Alémaniques et Romands sans oublier les italophones et les Romanches. De fait, il touche du doigt la complexité de la mécanique helvétique qui, sous sa plume avisée, apparaît dans sa réalité organique. Avec ses contradictions fructueuses, ses richesses ses impaires, et surtout avec son grand potentiel que chaque Suisse devrait mieux exploiter. Un ouvrage que tout citoyen doit lire au moins une fois dans sa vie. Avant de le transmettre à ses amis, étrangers comme suisses. »
Thibaut Kaeser

RTS, l'invité de la rédaction

Christophe Büchi, auteur du Mariage de raison, réédité en mai dernier, était l'invité de la rédaction de la RTS pour parler de son livre et des relations entre les différents partis du ménage helvétique, alors que les votations fédérales se rapprochent.

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L'express - l'Impartial

"Cet ouvrage érudit et passionnant, clair et pertinent, embrasse dans la longue durée la construction de la Suisse." (Philippe Villard)

 

Revue suisse

"Le «Mariage de raison» est un ouvrage érudit, rédigé dans une langue efficace et parfois drôle. Il fourmille d’idées et rend son lecteur intelligent, car chacun possède des bribes de l’Histoire suisse, que Büchi réunit pour nous parler du pays tel qu’il se présente aujourd’hui. L’auteur n’est pas un nationaliste, pourtant, le récit des batailles gagnées par les Waldstätten, devenus Confédérés, contre de grandes puissances européennes – comme Morgarten (1315) et Sempach (1388) – ne va pas sans créer une certaine émotion. L’entêtement, la soif d’indépendance et le courage de nos ancêtres forcent le respect." (Stéphane Herzog, Revue suisse, 9 juillet 2015)

Article disponible en français, allemand, italien, espagnol et anglais

Domaine public

"Né à Fribourg de parents alémaniques, formé auprès des Universités de Fribourg et de Lausanne, longtemps correspondant en Suisse romande de quotidiens zurichois, journaliste et auteur bilingue, Christophe Büchi s’intéresse passionnément à ce qui fait tenir les Suisses ensemble, par-delà les frontières intérieures, linguistiques et culturelles." Yvette Jaggi

 

L'article dans son ensemble

La Liberté

« (…) Cet Alémanique vivant en Romandie dresse avec passablement d’humour le portrait du pays depuis sa création en 1291. Passionnant. (…) » Tamara Bongard

RTS, émission Tribu

Christophe Büchi est l'invité de l'émission TRIBU le jeudi 30 avril à 10h30 pour parler de la nouvelle édition de Mariage de raison

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Mariage de raison. Romands et Alémaniques: une histoire suisse
Traduit de l'allemand par U. Gaillard

Mariage de raison. Romands et Alémaniques : une histoire suisse (nouvelle édition): extrait

Les Romands apprennent le français

 

Alors que les Alémaniques développent leur « diglossie », les Romands prennent un virage diamétralement opposé. À partir de la Réforme, les patois romands vont reculer au profit du français standard importé de France. Cette évolution aboutira à la disparition presque complète des dialectes romands. Diglossie alémanique, monolinguisme romand : un nouveau fossé linguistique se creusera entre Alémaniques et Romands.

 

On l’a dit, jusqu’à la fin du Moyen Âge, les Romands parlaient exclusivement des patois qui appartenaient, à l’exception d’une partie des dialectes jurassiens, au groupe franco-provençal. Sur le plan écrit, la situation était différente : le français de l’Île-de-France avait commencé à supplanter le latin dès le xiiie siècle. Avec la Réforme, le « français de France » fit irruption également dans la langue parlée. Jean Calvin, le réformateur genevois originaire de Picardie, fut l’artisan principal de l’essor du français de France en terre romande. En effet, après le triomphe de la Réforme en 1536, on ne prêcha plus qu’en français à la cathédrale Saint-Pierre de Genève. La première raison de ce changement ne réside guère dans le fait que Calvin était français, qu’il comprenait mal le patois savoyard des Genevois et ne le parlait certainement pas : Calvin imposa le français pour des raisons politiques. La « Rome protestante » se devait de parler une langue internationale, compréhensible ailleurs. Le patois savoyard n’était pas propice au rayonnement de Genève[1].

 

Les ennemis de la Réforme considéraient Calvin comme un étranger, un « françois » qui n’hésitait pas à fouler aux pieds les particularités locales. Ils ne se gênaient d’ailleurs pas de faire vibrer la corde patriotique. En 1547, un dénommé Jacques Gruet colla sur la chaire de la cathédrale un tract en patois pour dénoncer un réformateur angevin, collègue de Calvin : « Gros panfar, to et to compagnon gagneria miot de vot quesi ! » (Gros pansu, toi et tes compagnons feriez mieux de vous taire[2] !)

 

Grâce aux « gros pansus » et autres prédicateurs venus de France, Genève devint néanmoins la citadelle de la Réforme, sur laquelle les protestants d’Europe avaient les yeux rivés. Ce n’est pas par hasard qu’en France les protestants étaient appelés « Huguenots », expression dérivée de « Eidgenoss » qui désignait à l’origine les partisans genevois de l’alliance avec Berne. Or, les Huguenots allaient grandement contribuer à l’essor du français en Suisse romande. En 1685, Louis XIV révoqua l’édit de Nantes promulgué en 1598, et qui autorisait les protestants à pratiquer leur religion. Les Huguenots durent alors quitter la France par milliers, et bon nombre d’entre eux se réfugièrent dans les cantons protestants. Genève en accueillit 8000 en quelques semaines, Lausanne près de 17 000. De nombreux réfugiés se rendirent dans les villes réformées alémaniques, à Bâle, à Berne, à Zurich, tandis que d’autres gagnèrent l’Allemagne et l’Europe orientale.

 

Les réfugiés appartenaient en bonne partie à l’élite intellectuelle et économique, et leur exode fut une véritable saignée pour la France. La Suisse, en revanche, tirait profit de ces « requérants d’asile », comme on dirait de nos jours. Les Huguenots furent à l’origine du développement de la banque, de l’horlogerie, de la culture du ver à soie et du textile suisse. Mais c’est autre chose nous intéresse ici : l’usage de la langue française se répandit avec l’arrivée de cette vague d’immigration protestante. Car les Huguenots créèrent des écoles dans plusieurs villes francophones. Ils furent aussi à l’origine des deux premiers journaux helvétiques de langue française, le Mercure suisse, fondé en 1732 à Neuchâtel, et son successeur, Le Nouvelliste suisse.

 

Si les Huguenots contribuèrent à l’adoption du français de France en Suisse, ce n’est pas nécessairement parce que c’était leur langue maternelle. Au contraire, beaucoup d’entre eux venaient du Sud de la France et parlaient des dialectes occitans. Précisément pour cette raison, les Romands les comprenaient en général mal, et eux-mêmes avaient de la peine à saisir les patois franco-provençaux. Pour s’entendre, Romands et Huguenots ont probablement dû fréquemment recourir au français standard. Quand plusieurs dialectes se rencontrent, c’est facilement la langue standard qui l’emporte. C’est une règle que les spécialistes des patois connaissent bien : « Patois contre patois font le jeu du français[3]. »

 

Le triomphe du français en Suisse romande ne s’explique toutefois pas par la seule influence des réformateurs français et des réfugiés huguenots. Les Romands eux-mêmes déclarèrent la guerre à leurs dialectes. En 1668, la Vénérable Compagnie des pasteurs, le gouvernement théocratique de Genève, promulgua l’interdiction d’enseigner la religion aux enfants en patois savoyard. En 1703, les gardiens de l’ordre furent sommés de rédiger leurs proclamations publiques en « bon » français. Réservé initialement à l’usage des chancelleries, le français devint ainsi langue officielle.

 

Mais le patois ne disparut pas complètement pour autant. Encore vers 1700, l’Allemand Ludwig Heinrich Gude rapporte dans un traité sur les États des quatre parties du monde que les Suisses parlent « l’allemand, un peu dénaturé, l’italien, le rhétique, le français, de manière correcte pour ce qui est des gens de condition, et corrompue pour ce qui est des autres ». Le qualificatif de corrompu désigne bien sûr les dialectes.