parution avril 2011
ISBN 978-2-88182-696-2
nb de pages 144
format du livre 140 x 210 mm
prix 25.00 CHF

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Sylviane Dupuis (sous la dir.),

Collectif

Adrien Pasquali, Chercher sa voix entre les langues

résumé

Questionner les frontières – du monde réel, de la raison et de la folie, du silence et de la parole, ou celles des langues. Tenter de guérir d’un défaut d’origine par l’exercice de la traduction. Passer enfin de l’étude des autres ou du pastiche à l’invention de soi : telle fut l’ambition d’Adrien Pasquali, dont l’œuvre protéiforme ressemble à une autobiographie de l’esprit. Fils d’immigrés italiens né à Bagnes (en Valais) en 1958, auteur d’une thèse de doctorat sur Ramuz et d’une œuvre critique abondante, il était devenu l’un des meilleurs auteurs de sa génération. Il s’est donné la mort à Paris en 1999, vouant sa trajectoire d’écriture à un fondamental inachèvement.

« Migrant » d’une langue à l’autre d’autant plus fasciné par les récits de voyage qu’il ne voyageait pas ; écrivain hanté par les pièges et les jeux du langage ; chercheur curieux de génétique textuelle que le travail sur autrui ramène en définitive à soi : ce sont là les multiples facettes intimement solidaires d’Adrien Pasquali, que cette première monographie critique mettra en perspective en convoquant pour ce faire trois générations de chercheurs. Puisse-t-elle permettre de mieux faire lire et aimer la voix énigmatique de celui qui, en 1998, décrivait sa situation comme une « impasse irrésolue »…

Sylviane Dupuis (sous la dir.)

Ont contribué à l'ouvrage Adrien Pasquali: chercher sa voix entre les langues: Sylviane Dupuis, Roger Francillon, Chloé Gabathuler, Doris Jakubec, Daniel Maggetti, Antoine Raybaud, Jean Roudaut, Mathilde Vischer, Muriel Zeender.

La Liberté

« Mérite de l’ouvrage : encourager à retourner lire Pasquali, la beauté de son écriture, à la frontière entre la joie créatrice et la castration, c’est selon. » (JS)

Viceversa littérature 18 - De la tête aux pieds

Notre corps est ce qui nous lie à la vie. Mais aussi à la maladie et à la mort. Le corps est à la fois solide et vulnérable. Nos émotions sont ancrées en lui, elles suscitent des réactions physiques, et inversement, nos sensations physiques influencent nos sentiments et nos pensées. Les injonctions sociales sont fortes: nous devons prendre soin de notre corps, maîtriser des codes vestimentaires et gestuels qui varient selon les lieux et les époques et qui sont une forme de langage. Nous devons écouter notre corps. Mais comment parle-t-il et que nous dit-il? Et comment les autres interprètent-ils ses messages? Quand vivons-nous en harmonie avec notre corps et quand nous sentons-nous trahis par lui ? Quels choix s’offrent à nous dans les moments où nous souhaitons agir sur son fonctionnement, rétablir ses dysfonctionnements, modifier son apparence ? Comment faire corps avec son propre corps ? Des auteurs et des autrices des quatre régions linguistiques de la Suisse et une illustratrice s’emparent de cette thématique.

Viceversa littérature 17 – Au contraire (2023, Viceversa Littérature)

Viceversa littérature 17 – Au contraire

Il arrive que les circonstances nous forcent à prendre parti, parfois à nous opposer à ce qui nous est demandé, afin de défendre nos valeurs et nos idéaux. Cette résistance peut s’exprimer par des gestes ou des paroles violentes, elle peut aussi être sans éclat, se manifester avec douceur, ou encore prendre une forme passive. Ce mouvement d’insoumission existe à tout âge. Alors, on agit au contraire de ce qui est attendu, à contre-courant… Quelles sont les conséquences de cette attitude de défi, qu’elle soit exprimée avec fracas ou dans la retenue ? Quelles formes peut-elle prendre, notamment dans la création artistique, un travail s’accomplissant souvent en dépit de ce qui s’y oppose ?

Simone F. Baumann • Laura Bortot • Michel Bührer • Yla von Dach • Fanny Desarzens • Dorothee Elmiger • Laura Di Corcia • Michel Layaz • Leontina Lergier-Caviezel • Tania Maliartchouk • Anna Ruchat • Natacha Ruedin-Royon • Isabelle Sbrissa • Raphael Urweider • Matthias Zschokke •

Viceversa littérature 16 - La part sauvage (2022, Viceversa Littérature)

Viceversa littérature 16 - La part sauvage

Quelles sont les raisons et les implications de notre désir de retour à un « état naturel », que nous idéalisons peut-être, et pour lequel nous éprouvons de la nostalgie ? Comment s’infiltrent dans la littérature les friches, les broussailles, les forêts obscures ? À quoi ressemblerait un texte dont la croissance serait sauvage ?

Douna Loup • Alexandre Lecoultre • Rebecca Gisler • Julia Weber • Matteo Ferretti • Flurina Badel • Marie-Hélène Lafon • Silvia Ricci Lempen • Tom Tirabosco

Viceversa littérature 15 – Histoires de famille

Qu’elle soit biologique ou par affinités, nucléaire ou élargie, la famille suscite d’immenses attentes. Mais la famille idéale, celle dont on voudrait faire partie, existe-t-elle ? Transmission d’un nom, d’une langue, de valeurs morales, héritage d’objets ou de maisons, déceptions, mensonges, secrets et luttes de pouvoir, la famille est en tout cas une mine pour faire des histoires. En inventer, en raconter. Le patrimoine familial se compose aussi de mots. Les écrivains en ont une conscience aigüe, ce qui leur permet d’interroger leur vécu, de débusquer du nouveau, tout en nous y associant intimement, nous laissant entendre l’écho de notre propre expérience.

Fabio Andina • Michelle Bailat-Jones • Yvonne Böhler • Zora del Buono Gianna Olinda Cadonau • Ludmila Crippa • Elisa Shua Dusapin Yael Inokai • Barbara Klicka • Naim Kryeziu • Line Marquis • Thierry Raboud • Noëlle Revaz • Maria Rosaria Valentini • Ivna Žic

Helvétique équilibre. Dialogues avec le Point de vue suisse du prix Nobel de littérature 1919

En 1919, Carl Spitteler (1845-1924) devient le premier Suisse à recevoir le prix Nobel de littérature. Notre point de vue suisse, son discours prononcé au début de la Première Guerre mondiale en faveur de la paix et de la neutralité, avait marqué l’esprit de Romain Rolland ou Blaise Cendrars. Le voici dans une nouvelle traduction. Cent ans plus tard, huit écrivains, alémaniques, romands et tessinois, entrent en dialogue avec l’écrivain. Quel rapport la Suisse et ses habitants entretiennent-ils avec leurs voisins européens ? Avec la question des migrants ? Les frontières sont-elles toujours aussi définies qu’il y a un siècle ? Quelles valeurs rattache-t-on aujourd’hui à cette fameuse neutralité helvétique ? Neuf textes et autant de points de vue sur des questions brûlantes. 

Né à Liestal, Carl Spitteler est un observateur critique des dogmes dominants au début du XXe siècle. Huit écrivains, de langues et de générations diverses, proposent en écho leur « point de vue suisse » : Adolf Muschg, Pascale Kramer, Fabio Pusterla, Daniel de Roulet, Dorothee Elmiger, Catherine Lovey, Tommaso Soldini et Monique Schwitter

Édité par Camille Luscher

Traduit de l’allemand et de l’italien par Étienne Barilier, Anita Rochedy, Marina Skalova, Mathilde Vischer, Lionel Felchlin, Camille Luscher,
Germaine de Staël, retour d'exil

Quatre lectures autour de Madame de Staël opèrent dans ce petit livre un réel décapage de la figure de la fille de Jacques Necker, ministre de Louis XVI. Un premier texte met en perspective le retour, à Paris,  en 1814, de cette personnalité ;  retour rendu possible grâce à l’abdication de Napoléon. On y voit combien l’œuvre et la pensée de Germaine est moderne, notamment parce qu’elle appartient comme toute sa génération à une période de transition entre ancien régime, dont elle tient la plus grande partie de son éducation, et les divers essais de mise en place d’un régime plus libéral. Victime de la politique réaliste de Napoléon, elle s’exile à Coppet où les libéraux viennent se rallier autour d’elle.

Deux textes sur ses rapports violents avec Napoléon permettent de comprendre l’opposition entre ces personnalités majeures du début du XIXe siècle, qui se jalousaient, se respectaient, se haïssaient. L’une avec ses idées, l’autres avec ses forces armées. Leurs divergences idéologiques, politiques et artistiques, notamment leur conception différente du rôle sociale de l’écrivain, les opposaient.

Enfin, un parallèle brillant et audacieux est proposé entre la pensée de Sade et de la fille de Necker. Mélancolie, rôle des passions, intensité des sentiments, ennui, l’empreinte mortifère de la Terreur, la double présence de la mort et du suicide se retrouvent chez l’un comme chez l’autre. Des traces de la pensée de chacun dans leur œuvre respective s’y décèlent.

Textes de Léonard Burnand, Stéphanie Genand, Doris Jakubec et Dusan Sidjanski.

Histoire de la littérature en Suisse romande

Au moment où les littératures des marges intéressent de plus en plus, où les diverses régions francophones affirment leur identité propre face au centralisme parisien, la Suisse romande représente un exemple particulièrement intéressant de métissage culturel au carrefour des grandes cultures européennes. Voici un ouvrage de référence qui fait le point sur l’état actuel de nos connaissances de la littérature en Suisse romande, du Moyen Age à nos jours. Une somme de plus de 1750 pages réalisée par les meilleurs spécialistes qui étudient d’Othon de Grandson à Jean-Luc Benoziglio, en passant par Ramuz, Cendrars, Cingria ou Jaccottet. La plupart des auteurs dont il est question dans les dernières parties de cette Histoire sont bien vivants. Leur nombre, la diversité de leurs écrits, la richesse des thèmes traités témoignent de l’extrême intensité de la vie littéraire en Suisse française. C'est bien sûr un défi, que de parler d'auteurs vivants dans une perspective historique.

Nouvelles de la Grande Guerre (2014, classiques du monde)

Nouvelles de la Grande Guerre

Il y a maintes façons de rendre compte d'un conflit de l'ampleur de la Première Guerre mondiale. L'histoire, petite ou grande, analyse les faits, les chiffres, l'enchaînement chronologique des batailles, les réalités sociales passées par le filtre de l'analyse et du temps. La littérature, elle, rassemble ces mêmes données dans un unique bourbier, celui de l'absurdité humaine. Le camp ici n’a plus d'importance, les chiffres sont informes, parce que trop énormes, et les causes se mélangent avec les corps. Seul reste l'humain, un et indivisible.

Rassembler dans un même recueil quelques-unes des grandes nouvelles écrites aux quatre coins de l'Europe pendant ou juste après la guerre est donc une autre façon de raconter l'histoire. Mis bout à bout, ces récits singuliers d'êtres singuliers rendent compte de l'unicité des destins pris dans un seul et même engrenage, la guerre.

 

Robert Walser, Arthur Conan Doyle, Henri Barbusse, Richard Weiner, Liviu Rebreanu, Alexis Tolstoï, Stefan Zweig, Rudyard Kipling, Albert Londres, Italo Svevo

Textes réunis par Laure Pécher

Nicolas Bouvier, espace et écriture

Nicolas Bouvier a effectué le trajet de Genève à Tokyo dans les années 50. Des livres ont jailli de ses voyages, si forts qu’ils ont inspiré nombre de vocations de voyageurs et d’écrivains. Voyageur-poète, écrivain-musicien, artisan de l’image et du verbe, Nicolas Bouvier incarne dans son œuvre sa manière d’être au monde. Pour lui rendre hommage, un colloque lui a été consacré à Brest en 2008. Ce livre en est le prolongement.

Les auteurs, issus d’horizons intellectuels et géographiques différents – Jean Starobinski, Michel Butor, Jacques Lacarrière, Gilles

Lapouge, le photographe Jean Mohr, un spécialiste de poésie japonaise, une musicologue, des voyageurs, des écrivains et des universitaires –, soulignent le caractère humaniste et universel de l’œuvre de Nicolas Bouvier.

 

Le français notre maison

Comment prendre la défense du français sans le pétrifier ?

Et d’abord faut-il le défendre ?

Ce livre accueille des contributions de critiques, de journalistes et d’écrivains  qui réfléchissent à ce que représente la langue en général et le français en particulier. Tous cherchent un équilibre entre une alerte sévère contre un français appauvri, mou, moutonnier, conformiste et une ouverture généreuse, qui, ne sacralisant pas la langue, reste ouverte à l’écoute du frottement enrichissant des langues les unes avec les autres.

Par des expériences, des rêves, et des exemples, ils montrent comment veiller à la profusion, à la richesse, aux nuances de la langue comme à son inventivité. Certains pourfendent l’usage de l’anglais, tous aimeraient surtout que les fenêtres du français restent bien ouvertes, afin de laisser respirer la langue. 

Château de Chillon. Le fief de la rêverie romantique

"Il est des édifices qui dépassent leur fonction, leur temps, les mesures mortelles, qui sont entrés dans une aventure idéale, où leur destinée se joue hors de nous" (Paul Budry, 1938). C'est le cas du château de Chillon, haut lieu du pays de Vaud; savoyard, bernois, puis indépendant. Rousseau en fit le décor de l'épisode le plus dramatique de La Nouvelle Héloïse, il fascina Byron, Lamartine, Hugo, Flaubert, Töpfer, Ramuz. Ce petit livre offre au lecteur, grâce aux recherches de Danielle Chaperon et Adrien Guignard, les plus beaux textes inspirés par le château, dont le célèbre Prisonnier de Chillon.

Les Tribulations d'un voyageur helvétique

 

A une époque où les gens choississent une destination sur la carte du monde comme ils optent pour un mets sur la carte des menus, qu’est-ce que voyager peut encore signifier ? Les distances parcourues et le nombre de pays ou de régions visités ne sont certainement plus un critère. On n’impressionne plus personne avec une addition de kilomètres.

Si l’on veut parler de voyage, il faut évidemment se tourner vers les écrivains. On ne voyage vraiment que dans sa tête. C’est sans doute l’intérêt, aujourd’hui, d’un concours littéraire sur ce thème-là.

Parmi les douze textes choisis pour la publication, l’un raconte comment une fille de dix-huit ans révoque les programmes de voyage que sa mère a préparés pour elle en Inde et conquiert sa propre liberté. Une autre se livre à un poignant voyage funèbre pour aller disperser les cendres de sa mère dans des îles grecques, selon ses dernières volontés, et une narratrice se rend pour la première fois en Palestine d’où ses parents ont pris la fuite en 1948. D’autres récits invitent au voyage sur l’île de Gorée, au Cameroun, en Patagonie, sur l’île de la Réunion, au Pakistan, sur le Nil, à la mer d’Aral et enfin au Mali.

La Suisse côté cour et côté jardin

 

Cent dix-sept auteurs potentiels se lancent dans l’aventure d’un concours organisé par la FNAC en Suisse romande et en France voisine. Stimulés par le thème « La Suisse côté cour et côté jardin », ils racontent un jeune immigré dont les rêves s’écroulent face à la cruelle réalité genevoise ; les péripéties loufoques de comédiens vindicatifs qui aimeraient trouver leur place dans la pièce qu’ils jouent au risque de piétiner leurs partenaires ; un vieux couple qui se révolte contre les procédures de l’an 2055 ; deux maniaques de la propreté qui ne parviennent pas à se rencontrer ; une jeune suicidée ; des amoureux qui défient Satan et l’infidélité ; un appartement insolite ; et un malade incapable de parler sans faire de vers. Les textes choisis par le jury sont de tons et de genres extrêmement variés.

Comme le dit dans sa préface Sylviane Dupuis, écrivain et dramaturge, « on assiste un peu partout au “retour du texte” au théâtre. Le projet d’écrire pour la scène a encore du sens et continue de solliciter l’imagination et l’invention de formes. » 

Et si une Suisse fantastique m'était contée

 

Ces contes fantastiques terrifient, émeuvent, font rire ou les trois à la fois : plongées dans la folie, rencontres romantiques avec un fantôme du passé ou avec une fée, diaboliques avec un loup-garou ou un démon antédiluvien. Que faire lorsque le personnage d’un auteur prend vie, armé d’intentions inconnues ? Comment se débarrasser d’un père égoïste et encombrant, ou convaincre sa petite amie de ne pas s’envoler hors des frontières sans véhicule adéquat ? Que faire, enfin, si déjà sans emploi, on se réveille un matin seul au monde ?

Ces nouvelles ont été choisies parmi plusieurs centaines de textes anonymes, envoyés par des écrivains débutants de toutes les régions de Suisse romande et de France voisine, à l’occasion d’un concours organisé par la FNAC sur le thème « Et si une Suisse fantastique m’était contée… ».

Préface de Pascale Kramer

Robert Walser, l'écriture miniature (2004, domaine allemand)

Robert Walser, l'écriture miniature
Traduit de l'allemand par Marion Graf
Chiens et chats litteraires

"Les chats ont d'autres idées que les chiens sur la vie", notait Octave Mirbeau - et sans doute d'autres lectures, serait-on tenté d'ajouter. Chiens et chats, en tout cas, ont littéralement investi le territoire littéraire, y imprimant les plus visibles et lisibles des empreintes. Ce livre, pistant leurs traces, en décrypte les aspects ludiques ou graves à travers l'histoire littéraire, culturelle ou philosophique. S'y ajoutent des créations d'auteurs et une riche iconographie qui donnent un nouvel éclairage à cet indispensable et contrasté duo.

Bannières (1999)

Bannières

Adrien Pasquali, Chercher sa voix entre les langues: extrait

 

 

Préface

 

Sylviane Dupuis

 

 

 

Adrien Pasquali :

du silence de l’infans au secret du Pain de silence,

une trajectoire d’écrivain

 

 

 

l’enfant ne parle pas ; en lui, la parole n’a pas encore été brouillée par le langage.

Mais le temps nous reprend […]. Son appel nous éveillera plus tard,

quand nous aurons déjà trop grandi et appris à utiliser le langage

pour faire taire le silence et son repos…[1]

A. Pasquali

 

 

Que le malheur nous laisse toujours dépourvus, que nous n’ayons pas encore

trouvé une phrase à effacer les larmes, depuis le temps.

Une phrase qui veuille tout dire, qui retienne tout ensemble…[2]

R. Pinget

 

 

Dans mon livre. Je serai. Chez moi.[3]

S. Doubrovsky

 

 

Dix ans déjà nous séparent de la disparition prématurée de l’écrivain Adrien Pasquali – qui fut aussi chargé de cours pour la littérature de Suisse romande au Département de langue et de littérature françaises modernes de l’Université de Genève.

Il nous a semblé qu’à l’Hommage à Adrien Pasquali publié chez Zoé la même année, « à chaud », et où se mêlent textes et témoignages d’amis, et premières (brèves) analyses de l’œuvre, pouvait et devait succéder aujourd’hui l’exercice d’un recul critique qui n’exclut en rien l’empathie. Que le moment était venu de nous interroger, en consacrant pour la première fois un colloque à « Adrien Pasquali romancier, chercheur, critique et traducteur », sur les enjeux majeurs et la cohérence (ou les contradictions) de cette œuvre encore trop peu étudiée, dont l’exigence et la variété formelles, l’étendue des curiosités, des savoirs et des compétences qui s’y manifestent, les hantises récurrentes et la quête de sens têtue qui la traverse, mais aussi l’énigme sur laquelle elle se fonde, justifient largement qu’on s’y arrête.

En proposant une première esquisse de « poétique de l’œuvre », en la donnant à lire un peu plus loin, le présent ouvrage devrait, espérons-le, ne constituer que le prélude à d’autres questionnements d’une œuvre dont l’inachèvement pourrait bien représenter l’une des clés, non seulement d’ordre biographique (Adrien Pasquali ayant brutalement mis fin à ses jours en mars 1999), mais aussi et surtout d’ordre esthétique (comme le montre Chloé Gabathuler), et devrait encourager chercheurs et étudiants à se pencher sur les manuscrits et les archives déposés à la Bibliothèque de Genève, dont Doris Jakubec nous donne ici un premier aperçu.

Passer de « l’aliénation » à « l’altérité » en s’interrogant sur toutes les formes de frontières (qu’elles soient celles du monde réel, celles de la raison et de la folie, du silence et de la parole, de la naissance et de la mort, ou celles des langues) ; passer de l’imitation à l’invention, et du pastiche qui est exercice d’admiration à la création personnelle (comme le montre Roger Francillon), l’écriture seule pouvant ici (re)conduire à une « naissance », ou à une « résurrection d’ordre poétique » (G. Roud) ; tenter de « guérir » d’un défaut d’origine et d’être, par le biais de l’exercice de traduction, par l’étude « intéressée » du processus de création des autres (c’est ce que montre Daniel Maggetti) et par son propre travail d’écrivain : telle fut l’ambition d’Adrien Pasquali dont l’œuvre protéiforme ressemble, lorsque, se retournant sur elle, on en interroge le dessin, à une « autobiographie de l’esprit ».

 

Né en 1958 à Bagnes, en Valais, de parents italiens émigrés avec lesquels l’échange de parole fut toujours problématique – ce dont témoigne un récit d’enfance autofictionnel, à valeur testamentaire : Le Pain de Silence[4], qu’analyse plus loin Antoine Raybaud –, cet immigré de la deuxième génération était pourtant devenu, à quarante ans, après des études menées à Fribourg et à Paris, et une thèse de doctorat, l’un des écrivains et des intellectuels de Suisse romande les plus remarqués de sa génération. Doué d’une capacité de travail peu commune, et d’une soif insatiable de connaissance qu’orientèrent dès l’origine le besoin de se construire une langue, une identité et un « lieu » à soi, comme l’espoir d’atteindre enfin ce qu’il nommait une « sérénité active de l’être », Adrien Pasquali, « passeur » entre les langues mais aussi arpenteur de l’imaginaire s’interrogeant sur la poétique du voyage – et « migrant » d’une culture, d’un espace géographique et mental, d’un genre littéraire ou d’une voix (et d’un style) à l’autre, se définissait lui-même avant tout comme traducteur : « mes propres écritures me sont toujours apparues comme un exercice de “ traduction ”, voire de disparition, entre deux langues, entre l’infans et le vir, le silence et le langage […], la reproduction et la construction… »[5]. Au défaut de « langue maternelle », à la douleur du manque d’origine, il avait choisi (par une « stratégie inconsciente de dispersion » devenue peu à peu consciente et revendiquée) de substituer le jeu infini des possibles, traduisant tour à tour de l’italien (Alice Ceresa, Giovanni Orelli, Aldo Gargani, Mario Lavagetto, le poète Aurelio Buletti…), de l’allemand (Felix Ph. Ingold, lui-même grand traducteur) ou encore de l’anglais (John Sturrock, Lawrence Venuti), multipliant les apprentissages et les défis. Et aimant à rappeler, en citant Balzac, que lire – et souvent aussi, écrire – est une « création à quatre mains ». Mathilde Vischer, elle-même traductrice en français de l’italien, analyse le rapport complexe d’Adrien Pasquali à ces deux langues, qui s’entrelacent intimement dans son écriture.

 

« Migrant » d’autant plus fasciné par les récits de voyage qu’il ne voyageait pas, ou guère, étant plutôt voué à l’élucidation de lui-même et de son origine qu’aux horizons géographiques ; écrivain hanté par la question du langage, par ses jeux et ses pièges, qui attendait de l’écriture (et d’elle seule) qu’elle lui offre un lieu où être et habiter enfin ; chercheur curieux de génétique textuelle que le travail sur les œuvres d’autrui ramène en définitive à soi : ce sont tous ces aspects d’Adrien Pasquali (à la fois disparates et intimement reliés et cohérents, comme on le verra) que les études ici rassemblées abordent successivement et articulent entre eux. Elles sont issues de trois générations de chercheurs  (manière de démontrer que cette œuvre n’a cessé depuis dix ans de requérir l’attention, et de trouver de nouveaux lecteurs) et renvoient aux trois volets déjà mentionnés de la création romanesque, de la critique universitaire – principalement sur Ramuz, Bouvier et Gustave Roud – et de la traduction, activités que Pasquali mena constamment de pair avec son enseignement ; mais renvoient aussi parallèlement aux trois pôles complémentaires de l’exil, de la quête d’identité, et de la genèse de soi.

Comme le suggère la troublante photographie de l’écrivain (par Yvonne Böhler) qui figure dans Voix et visages[6] et sur laquelle, tourné vers nous, il semble imposer silence à on ne sait quel secret en posant un doigt sur sa bouche, nul mieux que lui n’aura su à la fois « s’exposer et se dérober » par un double geste contradictoire qui, selon Jean Roudaut (dont on lira plus loin une étude consacrée au Veilleur de Paris), est celui-là même de l’écriture. « Cacher, lit-on dans Le Pain de Silence, c’est montrer à l’envers ». Ce qui nous est demandé, c’est donc non seulement de savoir lire, mais de percer le mystère, de savoir regarder sous la trame, dans l’entrelac des fils, des leitmotivs récurrents, et dans la dislocation même de la syntaxe, ce qui se tisse de secret et d’allusif, de très savant mais aussi de très obsessionnel, au sein du texte, et qui renvoie d’une part à la question sans réponse du « Qui suis-je ? » (posée dès le premier texte publié, qu’analyse ici Muriel Zeender), et d’autre part à la mère.

Pasquali n’ignorant rien des formes romanesques les plus contemporaines – on connaît sa dette envers Pinget, Beckett, ou Claude Simon, entre autres –, il y aurait sans doute à s’interroger sur les liens de filiation possibles (et sur les « fils » secrets) unissant Le Pain de Silence et Fils[7] de Serge Doubrovsky (lui-même écrit, de l’aveu de son auteur, « sur le modèle de Joyce, dans Ulysse », ou de Claude Simon, dans Histoire), considéré comme le texte fondateur de « l’autofiction »[8]. Dans les deux cas, sur fond de mère manquante, ou défaillante, un fils s’« engendre » lui-même par l’écriture, métamorphosant un « je » biographique en « je » fictif qui lui ressemble et devenant à lui-même son propre père et sa propre mère, par le biais de sa narration et du travail de la langue. Ainsi, chez Pasquali, c’est une phrase attribuée à la mère (qui ne l’a pas réellement prononcée), puis une seconde attribuée au père, qui lancent le processus d’écriture du fils, seul à « détenir l’autorité du langage »[9] – mais qui sera à la fin renvoyé à ce silence contre lequel s’érige tout le texte et qui est aussi, écrit-il, « la seule chose que nous avons eue en commun ». C’est pourquoi, tout au long du Pain de silence (formé de deux immenses phrases sans début ni point final), et qui s’ouvre avec l’exergue : « Pourquoi parler quand on peut se taire ? (proverbe chinois) » mais substitue les mots du fils aux « pages blanches du cahier de [la] mère » et au silence du père), un interdit rigoureux pèse sur la parole : car atteindre son but (le point final) serait ici synonyme, à la fois, d’achèvement, de naissance (par rupture définitive du cordon ombilical) ou de résurrection, et de trahison ou de mort… Adrien Pasquali: ou comment aller, dans la fiction et dans la vie, qui ici se confondent, au bout d’une rêverie sur le nom qui prend la forme tragique d’un destin. Reste, entre nos mains, au-delà de l’effacement volontaire de son auteur rendu au « rien », ce livre qui nous est tendu à la fois comme un testament et une hostie : comme un morceau de pain à se partager autour de la table (motif – eucharistique et pascal – omniprésent dans Le Pain de silence) « en mémoire de lui ».

 

En articulant, du premier au dernier texte de l’écrivain, les multiples facettes de cette œuvre qui est loin d’avoir livré tous ses secrets, les lectures qui suivent permettront, espérons-le, de mieux faire lire et aimer la voix de celui qui, parti de l’espoir d’une « réinsertion dans le monde », en 1982, décrivait sa situation, en 1998 – entre « étrangéisation dans la langue » et « étrangéisation dans le monde » – comme une « impasse irrésolue ».

 

[1] Adrien Pasquali, Nicolas Bouvier. Un galet dans le torrent du monde, Zoé, 1996, p. 149.

[2] Robert Pinget, chute inédite de Passacaille (tiré de  : Fonfon, tapuscrit 1968, Archives nationales, Paris).

[3] Serge Doubrovsky, Le Monstre, feuillet 1277. Le Monstre (1968, date de la mort de la mère de Serge Doubrovsky – 1976) constitue le dossier génétique, encore inédit, et composé de plusieurs milliers de feuillets, de Fils (cf. infra, note 7, et http ://www.everyoneweb.com/doubrovskymanuscrit.com).

[4] Adrien Pasquali, Le Pain de silence, Zoé, 1999 (réédité en 2009 en format de poche).

[5] Adrien Pasquali, L’Ecrivain et son traducteur, Zoé, 1998, p. 48.

[6] Yvonne Böhler, Voix et visagesEcrivains romands, Zoé, 1996. La même photographie est reprise en couverture de l’Hommage à Adrien Pasquali (dir. Michel Jeanneret), Zoé, 2009.

[7] Serge Doubrovsky, Fils, Galilée, 1977.

[8] Le mot « auto-fiction » apparaît explicitement, dans Le Monstre (cf. supra, note 3), au feuillet 1637.

[9] Expression empruntée à Adrien Pasquali, Portrait de l’artiste en jeune tisserin, vol. I. L’Histoire dérobée, Editions de L’Aire, 1988, p. 180.