parution octobre 2016
ISBN 978-2-88927-363-8
nb de pages 224
format du livre 140x210 mm

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Max Frisch

Journal berlinois 1973-1974

Traduit de l'allemand par Camille Luscher

résumé

En janvier 1973, Max Frisch emménage à Berlin-Ouest. Il y retrouve d’autres écrivains parmi les plus importants de l’Allemagne de l’après-guerre : Uwe Johnson, Günter Grass. Aux portraits qu’il brosse de ces nouveaux voisins, Frisch ajoute ceux de Christa Wolf et d’autres écrivains qu’il rencontre régulièrement à Berlin-Est. Car il profite de son séjour en Allemagne pour ausculter avec une vive curiosité les rapports politiques et sociaux en RDA, et les révéler de l’intérieur sans jamais oublier sa position d’observateur privilégié. La subtilité de ces analyses confère au Journal berlinois l’intérêt d’un témoignage historique. Elles sont entremêlées de réflexions d’une surprenante actualité sur le quotidien de l’écrivain, son rôle dans la société, les liens d’amitié ou de travail et les attentes qu’ils suscitent, et ponctuées de brefs passages narratifs. Chacune des entrées témoigne du talent d’un auteur soucieux de trouver la forme d’expression la plus juste et d’accéder, par l’écriture, à une meilleure perception du monde et de lui-même.

biographie

Max Frisch (1911-1991), devenu un classique de la littérature mondiale, s’est fait connaître autant par ses romans (Homo Faber, L’Homme apparaît au quartenaire,…) et son théâtre (Andorra…) que par ses journaux. C’est un genre auquel il aime travailler, des textes composés. Son art de l’observation et de la notation, son esprit critique acéré, l’introspection brillante qu’il ne cesse d’exercer en font de véritables œuvres. Deux ont été publiées de son vivant (1946-1949 et 1966-1971).

Viceversa Littérature

"... Tout ce qui fait le propre d'un journal ordianaire (...) se retrouve là, mais chaque jour se présente presque comme un morceau choisi, tant il semble ciselé et précisément pesé.

La question du temps, très prégnante, se fait insistante au long des pages. Elle revient parfois sous la forme d'un "pourquoi écrire" aux nuances subtiles, émouvantes et justes qui se décline dans une critique de la représentation comptée et chronologique que nous en faisons, ce qui pourrait être paradoxal pour cet homme qui donna au journal une force littéraire peu commune en y mêlant comme ici réflexions, notations et courtes fictions. (...) [Le] constat de l'intensité intemporelle du souvenir se conjugue au fait douloureux de vieillir, dénonçant l'inadéquation du langage au désir de tout garder. D'où, parfois, l'expression d'une profonde mélancolie. (...)

[L]e journal se révèle propre à donner une forme sensible particulièrement pertinente à l'histoire et à la vie, politique autant qu'individuelle. Ce journal d'une année en est bien la preuve manifeste.Il réaffirme pourtant la tentative d'une plus grande compréhension et d'une saisie réussie du monde.

Max Frisch accorde beaucoup d'importance à ses incursions en Allemagne de l'Est, pays aujourd'hui disparu, mais bien vivant sous sa plume. Ses visites ont l'avantage d'être débarassées des suspicions habituelles ou a priori occidentaux parfois un peu bornés. Il ne manque jamais de proposer des analogies possibles en décrivant «une répression d'un autre genre que chez nous», mais il observe et écrit sans indulgence. Il analyse avec profondeur le climat idéologique et intellectuel qui régnait en RDA et sait le mêler à une réflexion plus vaste, curieuse, toujours sincère. Il questionne les écrivains qui habitent de l'autre côté du mur, sur le désir d'y demeurer, malgré les problèmes que ça leur pose et s'étonne de leur ténacité. (...)

[S]i ce journal reste dans la mémoire comme une peinture attentive d'un moment de l'histoire de l'Allemagne et de sa vie littéraire, il est aussi un portrait presque philosophique du Temps, tout en petites touches, parfois à peine appuyées, et un portrait tout en contrastes de Max Frisch lui-même." Françoise Delorme

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Le matricule des anges

"...Pour Frisch, le journal, de par sa nature fragmentaire, son côté kaléidoscopique et sa façon de lutter contre l'oubli quotidien, participe de la recherche d'une forme d'écriture capable de mêler l'analyse des phénomènes de l'époque, la réflexion esthétique et l'expérimentation de divers sujets ou de différents styles. Conçu comme une composition rigoureusement structurée de textes qui se font écho ou se tissent les uns avec les autres, ce Journal berlinois s'articule autour de quatre grandes thématiques: le quotidien, des idées de récits ou des esquisses d'œuvres à venir, de très subtils portraits (...). et le désir de se faire une idée personnelle des rapports politiques et sociaux en RDA. En somme, il d'agit d'évoquer au plus près du réel ce qu'est sa vie d'écrivain s'installant à Berlin. (...)" Richard Blin

Le Monde des Livres

"...Frisch a un joli coup de crayon et croque en quelques mots ses collègues [...]. Et au fil des rencontres, des portraits et des amorces de récits, il y a ces superbes analyses des rapports complexes entre les deux Allemagnes. Un petit livre précieux." Pierre Deshusses

Le Courrier

"...Le style est serré, les descriptions courtes, précises – le souci d'objectivité s'imposant à toute autre considération, le ton est distant, amusé. Il s'en dégage une lucidité sidérante. (...)" José Antonio Garcia Simon

dans En attendant Nadeau

"Un des plaisirs de la lecture, c’est aussi ce que le Journal nous apprend sur les écrivains berlinois des années 1970. (...) Une incroyable soirée chez Wolf Biermann (« un poète, un combattant, un clown »), l’attitude mitigée des collègues écrivains et des fonctionnaires du parti lors d’une lecture. Ou encore les pages consacrées à Günter Kunert, Christa et Gerhard Wolf et bien d’autres célébrités de l’Est, mais aussi de l’Ouest, comme Günter Grass : c’est un régal pour le lecteur de découvrir ces grands auteurs dans leur vie quotidienne, avec leurs qualités et leurs travers. Frisch sait se montrer bienveillant dans son jugement, mais l’amitié ne l’aveugle jamais : il est sans complaisance envers les autres comme il l’est envers lui-même. Son regard est précis, ses phrases sont courtes, incisives, sans fioritures, ses formules ne manquent souvent ni de piquant, ni d’humour." Jean-Luc Tiesset

 

http://www.en-attendant-nadeau.fr/2016/12/02/journal-intime-max-frisch/

Le Temps

"...Comme genre littéraire, le «Tagebuch» est à placer chez Frisch au même rang que le roman ou la pièce de théâtre. Ses journaux intimes ne sont pas, comme on pourrait le croire, la somme de notices quotidiennes mais bien le résultat d’une composition rigoureusement structurée d’essais et de récits qui tournent autour de quelques thèmes et qui sont disposés de sorte à former un entrelacement subtil. Chaque entrée est un texte stylistiquement et thématiquement autonome qui entre en résonance avec les autres. (...) Quatre thématiques traversent le Journal berlinois: le quotidien de l’auteur dans son nouvel environnement, des récits fictionnels, de nombreux portraits d’écrivains qu’il fréquentait et finalement l’Allemagne de l’Est. La plupart des entrées font écho à la présence du mur de Berlin et à ces deux mondes qui se côtoient dans une même ville. C’est de loin l’aspect le plus important du livre, qui devient ainsi un précieux témoignage sur les relations culturelles entre Est et Ouest durant la Guerre froide. Frisch se rend souvent de l’autre côté du mur, par exemple pour rencontrer ses éditeurs et relecteurs est-allemands. Il fait le récit de ses impressions et observe finement les différences de mentalités. (....)" Stéphane Maffli

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24 heures

"...A Berlin au cours d'un séjour d'une année, [Max Frisch] noircit d'une plume enfiévrée cinq pleins cahiers d'impressions d'un Helvète peu ou prou acclimaté dans une cité vertigineusement coupée en deux, mais doublement vivante. Sa Zurich natale aurait-elle survécu à une pareille scission? C'est une des interrogations qui rendent passionnant ce Journal berlinois (...)." Gilbert Salem

Le Matin Dimanche

"... Dans son "Journal berlinois", [Max Frisch] s'examine sans complaisance. Il se reproche de mal résister à l'alcool (...). Il se décrit en grognon que les enfants irritent. Il est même mécontent de son écriture (...). Le "Journal berlinois" vaut aussi pour ses portraits d'écrivains. (...) Sans illusion sur le socialisme réel. Max Frisch décrit avec une précision d'entomologiste cette espèce désormais disparue: l'écrivain est-allemand." Michel Audétat

Livres Critique

"... En tant que citoyen helvétique, Max Frisch nous offre un témoignage précieux – parce que mesuré –sur le vécu quotidien des Allemands de l'est (...). Au croisement de l'histoire et de la littérature, ce voyage au cœur de la germanité se trouve magnifié par le regard juste et détaché de Max Frisch. On quitte ce livre – très efficacement annoté et commenté par Thomas Strässle – à regret, tant le témoignage laissé par l'auteur se révèle empathique. (...)"

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Correspondance

Frisch et Dürrenmatt, ces deux grands écrivains que l’opinion publique et la critique, en dépit de leurs différences, ont parfois voulu rapprocher jusqu’à les confondre, ont mené un dialogue épistolaire où s’affirme avec force leurs personnalités irréductibles. Ce dialogue va durer près de quarante ans (de 1947 à 1986), mais sera coupé de longs silences, souvent éloquents.

Frisch et Dürrenmatt s’admirent et s’estiment. Ils se lisent mutuellement, avec une remarquable attention. On les voit cependant manifester leurs réserves autant que leur approbation : il s’agit pour eux de marquer leur territoire littéraire, de se définir au miroir d’autrui.

Cette correspondance erratique, à la fois intense et détachée, désinvolte et grave, qui par moments devient tendue et presque hostile, nous permet d’approcher deux personnalités, et deux visions du monde. Elle nous révèle l’homme Frisch, l’homme Dürrenmatt, et leur humaine rivalité. Mais elle jette aussi, sur leurs œuvres, une lumière singulière.

Cette correspondance est précédée d’un brillant essai de Peter Rüedi, familier de l’œuvre des deux grands écrivains, qui brosse leurs portraits contrastés, et rappelle les circonstances (personnelles, historiques et politiques) de leur échange épistolaire.

Traduit de l'allemand par E. Barilier

Journal berlinois 1973-1974: extrait

Du 13 au 15 à Leipzig. Invité par les éditions VOLK UND WELT (Gruner, Links). Deux jours et demi choyé de part et d’autre du salon du livre, deux réceptions générales. Où sont les auteurs ? Au cours des premières heures déjà, certains livres de l’Ouest (parmi lesquels le JOURNAL) disparaissent des stands du salon, volés. Plus tard, dans la cabine sur le stand des éditions VUW, des employés me demandent de dédicacer leurs exemplaires personnels, éditions de l’Ouest, possessions privées. D’où les tiennent-ils ? Les livres, toujours l’objet d’un marché noir, leur soif de littérature interdite de publication de ce côté-ci. Au cours de conversations anodines, nombre d’informations pas si anodines ; attention toutefois aux conclusions que j’en tire. Ce statut de privilégié qui est le nôtre, nous nous sentons à l’aise et le peuple dans la rue nous est sympathique. Sur des affiches : RECONNU INTERNATIONALEMENT, SUR TOUS LES MARCHÉS DU MONDE, etc. Réflexe claustrophobe ? Pas provincial dans la mesure où beaucoup ont conscience de leur provincialisme ; le manque de points de comparaison directs avec l’Ouest inconnu n’a causé ni orgueil, ni assurance particulière, au contraire, plutôt une crainte d’infériorité. Entendue quasiment nulle part : la polémique agressive à l’égard de l’extérieur ; ils en ont soupé, semble-t-il, critique de l’autre comme unique critique. Ils recherchent peu les discussions politiques (avec un étranger) ; partent de l’idée que les textes de propagande nous sont connus, et c’est souvent comme s’ils en étaient personnellement gênés. Je crains alors de poser des questions qui en mettraient certains mal à l’aise ; question de confiance, toujours. Le fameux manque de papier, l‘économie nationale en guise d’explication, cela sert la censure : elle ne doit pas toujours être énoncée, il suffit d’évoquer le manque de papier. Je demande une fois à G. pourquoi Günter Grass est déclaré persona non grata. Sa pièce avec son Brecht en est sûrement la principale raison, sa version du 17 juin, et puis les anciennes accusations de pornographie comme argument moral bienvenu ; il représente la RFA [plus] que n’importe qui d’autre.