parution juin 2012
ISBN 978-2-88182-866-9
nb de pages 304
format du livre 140 x 210 mm
prix 31.00 CHF

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Luzius Keller

Proust et l'alphabet

résumé

Ce livre est un abécédaire où l’auteur joue librement à partir de sa connaissance immense et singulière de Proust. Il y réunit les textes qu’il a fait paraître séparément, en français et en allemand, dans le Dictionnaire Marcel Proust et la Marcel Proust Enzyklopädie. Il les enrichit comme un flâneur qui observe inlassablement les nouveautés d’un paysage qu’il a déjà traversé, un spécialiste qui s’écarte de l’académisme, un polyglotte qui fréquente plusieurs domaines littéraires simultanément.

Vermeer, Whistler et Giotto font aussi bien partie de son alphabet que Femme de chambre, Figures de mères ou Dilettantisme, enfin des titres proustiens tels que «Contre une snob», «Choses normandes» ou «Ephémère efficacité du chagrin».

biographie

Luzius Keller est l’éditeur, le commentateur et à l’occasion le traducteur de l’œuvre de Proust  en allemand. Professeur de littérature française à l’université de Zurich pendant trois décennies, il a publié plusieurs ouvrages sur Proust dont Marcel Proust sur les Alpes et La fabrique de Combray.

Le Magazine Littéraire

"Keller a la modestie d'un Jerphagnon. La seule entrée "Marquise", en dépit de ses onze lignes, est un petit joyau. Peut-être ce livre est-il une des meilleures invitations à pénétrer dans l'oeuvre sans crainte d'être écrasé. Il est parfois préférable de s'introduire dans une cathédrale par les transepts." (Joseph Macé-Scaron)

Marcel Proust. La fabrique de Combray

 

En ouvrant les portes de l'atelier de Proust, la fabrique de Combray peut faire comprendre que l'écriture est un engagement sans autre limite que la mort.

Grâce aux nombreux documents reproduits et transcrits on pourra découvrir comment l'incipit du roman qui nous est devenu familier a failli disparaître, comment les titres ont été inventés au dernier moment, comment une branche de lilas se métamorphose d'abord en branche de groseillier sauvage puis en branche de cassis sauvage, comment quelques tranches de pain grillé deviennent d'abord une biscotte puis des petites madeleines, respectivement, au moment de la «signature», des Petites Madeleines, enfin ce que la madeleine de Proust doit à certaine biscotte de Wagner. On verra aussi ce que le nom d'Albertine doit à Gilberte et le nom de Simonet à Monet.

 

 

Marcel Proust sur les Alpes (2003, domaine allemand)

Marcel Proust sur les Alpes
Traduit de l'allemand par J. Kaempfer

Proust et l'alphabet: extrait

 

Proust, Marcel À côté des portraits de Proust dus aux peintres, photographes, biographes, auteurs de souvenirs et à d’autres, nous possédons quelques autoportraits de l’auteur, le plus souvent sous forme de caricature. Dans le contexte ludique du pastiche, Proust s’est mis en scène plusieurs fois, par exemple dans le pastiche Goncourt de L’Affaire Lemoine : « Comme bouquet, on apporte à Lucien la nouvelle […] que leur ami Marcel Proust se serait tué, à la suite de la baisse des valeurs diamantifères, baisse anéantissant une partie de sa fortune. Un curieux être, assure Lucien, que ce Marcel Proust, un être qui vivrait tout à fait dans l’enthousiasme,dans le bondieusement de certains paysages, de certains livres, un être par exemple qui serait complètement enamouré des romans de Léon. » (PM, 24) Dans le journal du lendemain, on apprend : « Marcel Proust ne s’est pas tué. Lemoine n’a rien inventé du tout […]. » (26) Plus tard, dans le pastiche Renan, il est question de Ruskin et de « la traduction d’une latitude pitoyable que Marcel Proust nous en a laissée » (32). En tant que traducteur de Ruskin, Proust apparaît aussi dans le pastiche Ruskin (201-202). Ailleurs, il figure comme pasticheur : « Notre ami Marcel Proust dont les lecteurs du Figaro connaissent les pastiches, a une immense admiration pour le Pelléas et Mélisande de Debussy. L’autre jour, il sortait d’une réunion avec un ami qui ne pouvait pas trouver son chapeau. Marcel Proust improvisa le duo suivant. […]. Ainsi Marcel Proust divertissait sa mélancolie, tout en retournant travailler à une oeuvre considérable qu’on ne connaîtra pas avant l’année prochaine. » (206-207) Un autoportrait amusant se trouve dans un morceau désigné comme « petite pitrerie » et envoyé le 13 juin 1922 à Mme Hennessy comme remerciement d’une invitation. Le morceau s’intitule : « Conversation bête entendue chez une femme remarquable ». En s’entretenant lors d’une soirée, deux dames du monde confondent, comme il arrive souvent dans le milieu mondain, Marcel Proust et Marcel Prévost, romancier dont les conceptions esthétiques se trouvent diamétralement opposées à celles de Proust. Voilà ce qui explique que les deux dames lectrices et bavardes dévorent le roman de Prévost Les Don Juanes (1922) : « ‹ À propos de Maître vous savez qu’il y en a un ici ? […] Un homme noir, dépeigné qui a l’air très malade. Tenez Boni lui parle. › – ‹Ah ! je le vois ! À son air j’avais tout de suite senti qu’il n’était pas de notre monde. › – ‹ Taisez-vous c’est un génie. Il a la fièvre des foins. › – ‹ Ah ! c’est intéressant, mais qui est-ce ? › – ‹ C’est le fameux Marcel Prévost, l’auteur des Don Juanes.› – ‹Ah ! si je pouvais le connaître ! Que cette dame est heureuse avec qui il est en train de parler. Vous avez lu ça vous les Don Juanes ? › – ‹Ne dites pas que je les ai lues, je les ai bues […].› » (Corr., XXI, 262)

 

Que Proust se soit représenté aussi dans son oeuvre – qu’y a-t-il de plus naturel et de plus évident ? Pourtant la quantité d’encre qui a coulé à ce propos est considérable. Il faut noter cependant que plus encore que dans Jean Santeuil, dans la Recherche l’autoreprésentation n’est pas limitée au protagoniste. Dans Swann, Charlus ou Bloch, Albertine ou Morel, Françoise ou tante Léonie on devine autant de traits de Proust que dans Marcel. Lors de l’entrée en scène de Mademoiselle Marie Gineste et Mme Céleste Albaret dans Sodome et Gomorrhe, point d’intersection entre réalité et fiction, Proust confère à son protagoniste – qui normalement est sans visage – ses propres traits, une fois de plus sous forme de caricature : « Oh ! petit diable noir aux cheveux de geai, ô profonde malice ! je ne sais pas à quoi pensait votre mère quand elle vous a fait, car vous avez tout d’un oiseau. Regarde, Marie, est-ce qu’on ne dirait pas qu’il se lisse ses plumes, et tourne son cou avec souplesse ? […] Mais non, Marie, regarde-le, bing ! voilà qu’il s’est dressé tout droit comme un serpent. […] Regarde, ses cheveux se hérissent, ils se boursouflent par la colère comme les plumes des oiseaux. Pauvre ploumissou ! » (II, 240-241) Si la personne physique de Marcel Proust est visible dans son roman, il n’y a inscrit son nom nulle part excepté sous forme cryptique : ses initiales avec les majuscules des Petites Madeleines, son nom de famille avec le septuor de Vinteuil.

 

Voir : Madeleine – Noms – Peinture – Photographie.