parution janvier 2024
ISBN 978-2-88907-311-5
nb de pages 176
format du livre 140x210 mm
Une femme entre dans le champ
résumé
Son nouveau statut de mère semble avoir déclenché chez L une lucidité extraordinaire en même temps qu'une profonde solitude. Elle oscille entre indifférence et fascination face à son enfant. Mais, plus largement, c'est une dérive, une séparation d'avec le monde commun qui est à l’œuvre. Où cela la mènera-t-elle? Peut-on vivre sous un figuier étrangleur? Est-il possible de devenir un objet? Qu'est-ce qu'une caresse?
Le portrait de cette "femme à l'enfant" envoûte. La puissante délicatesse, la précision de l'écriture, la dimension concrète d'impressions diffuses nous donnent accès à l'intimité de cette femme qui se détache de son quotidien. Avec une maîtrise éblouissante du montagne et de l'ellipse, le sens de la suggestion et de la tension, Emmanuelle Tornero nous fait naviguer entre les jours de L, jours d'avant et jours d'après, jours intérieurs et jours d'extérieurs, dans les champs, sur les routes, au bord des plages.
Née en 1985 en Seine-Saint-Denis où elle a grandi, Emmanuelle Tornero est créatrice sonore et vit actuellement au Havre. Une femme entre dans le champ est son premier roman.
jeudi 25 janvier 2024 19h00
Emmanuelle Tornero et Caroline Coutau en rencontre avec Vleel
Rencontre en ligne, pour y participer, cliquez ici
En savoir +Une femme entre dans le champ: extrait
j-50
Il y a un balcon dans l’appartement, un grand balcon longeant l’appartement sur tout un côté. Sur ce balcon il n’y a rien qu’une chaise, une table et un cendrier. Autrefois il y avait deux chaises. L’autre chaise qui se trouvait jadis sur le balcon a disparu, personne ne sait comment. L se rend parfois sur le balcon depuis la chambre ou le salon et regarde alentour, elle jette son regard à la ronde, sur et à travers les arbres, scrute leur cime, aperçoit quelques nids de pies, quelques pies furetant de branche en branche à travers les feuillages lorsqu’il y en a, quelques morceaux d’immeubles perçant entre les troncs, la route à droite en forme de virage. Elle jette son regard et le regard lui revient toujours, puis se pose souvent sur la chaise solitaire et, par ricochet, sur cette autre chaise aujourd’hui disparue, devenue une chaise intérieure, un fantôme de chaise, dont elle ne peut s’empêcher de penser qu’elle a dû s’évader, s’enfuir par-dessus le balcon une nuit, tandis que tout le monde dormait. Sur le balcon, depuis que l’enfant est né, L rejoue parfois une scène mythologique. La scène habite en elle depuis toujours, et jamais encore elle n’avait eu l’occasion de l’interpréter. La scène se passe un jour d’hiver, il y a longtemps, bien avant la naissance de L ; elle est interprétée par la mère, le grand-père et l’arrière-grand-mère de L et se déroule ainsi : la mère, âgée de quelques mois, n’est que larmes ; depuis des jours elle pleure tant et tant qu’elle inonde l’appartement – après un trop long moment, le grand-père saisit la mère, petite chose hurlante, ouvre la fenêtre et, à bout de bras, lui fait franchir une frontière, de l’intérieur vers l’extérieur de l’immeuble – juste avant la chute, l’arrière-grand-mère intervient, attrape le grand-père par l’épaule, engendrant un mouvement de tout son corps vers l’intérieur de l’appartement, se saisit de la mère et administre une gifle monumentale au grand-père avec toute la force de son bras droit. La gifle résonne encore.