parution mai 2016
ISBN 978-2-88927-318-8
nb de pages 224
format du livre 105x165 mm

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Catherine Safonoff

Le Mineur et le Canari

résumé

« “De quoi parle votre livre?” m’avait demandé le docteur Ursus. – D’un éléphant dans une cristallerie, j’avais failli répondre, puis dis, “de vous et de moi. De l’effet que vous me faites.” »

C’est ainsi que la narratrice résume ce roman scandé par ses séances avec l’irrésistible Docteur Ursus. Le cadre de la thérapie donne à l’analyse du désir amoureux toute sa saveur mélancolique ou gaie.

« On savoure ces courts chapitres comme autant de miniatures, instants volés, événements minuscules, subtiles méditations, réflexions essentielles, le temps, la mort, le désir. Au bout du compte, c'est la vie qui gagne. Et la littérature.» Télérama, Michel Abescat

biographie

Catherine Safonoff est née en 1939 à Genève. Après avoir collaboré, comme critique littéraire au Journal de Genève et à la Radio Suisse romande, et participé à la création de scénarios pour des films de Maya Simon, l’écriture devient et demeurera sa principale activité.

L’art du quotidien, du mot juste, de la phrase nerveuse, des amours perdues mais toujours présentes et à venir, de l’angoisse transformée en qualité de pensée et d’écriture. Catherine Safonoff excelle dans le récit personnel. Sa plume taille dans la chair humaine sans s’attendrir ni sur elle ni sur les autres, avec dignité et un talent littéraire venu de son expérience et de ses immenses lectures.

Catherine Safonoff a reçu de nombreux prix, dont le Prix quadriennal de la Ville de Genève en 2007 (dont les lauréats avant elle sont entre autres Jean Starobinski, Robert Pinget et Nicolas Bouvier), Prix fédéral de littérature 2012 avec le Mineur et le Canari, Prix Ramuz en 2015 pour l'ensemble de son œuvre.

 

La part d'Esmé

Esmé a tout pour bien faire: un mari, deux enfants, une belle maison. Elle va tenter autre chose. Ce roman indiscipliné relate, au long du printemps 1975, l'aventure d'une femme en fuite, en proie au doute, mais qui ne rebroussera pas chemin.

La Fortune (2024, domaine français)

La Fortune

B. a décidé de vendre la petite maison dans laquelle la narratrice a trouvé abri de longues années. «Envoyée à la campagne» dans un coin de ferme encerclée par les autoroutes de Haute-Savoie, voici une femme de quatre-vingts ans qui cherche à désarmer sa colère tout en restant de bonne foi. Remontent alors une série de scènes d’origine. Quelles soient cruelles, tendres ou comiques, l’esprit et l’écriture acérés de l’écrivaine font mouche, elle devient conteuse et nous parle de nous mieux que jamais.

Autour de ma mère

Trois années durant, une femme prend des notes. Sur sa mère, malade, qu'elle accompagne du mieux qu'elle peut. Sur le petit Rémy, dont elle s'occupe parfois. Sur ses rendez-vous, le jardin, les saisons. Et sur N., l'amant grec dont elle est désormais séparée mais qu'elle ne parvient pas à oublier. Des pages lumineuses, soulevées par une irrésistible légereté.

Reconnaissances (2021, domaine français)

Reconnaissances

En vingt-cinq brefs tableaux, une auteure parcourt sa vie, prenant pour repères ses propres livres. Elle récrit son vécu, le change et le renouvelle, apporte aux heures sombres des touches claires. Elle joue. Une écriture réfléchie, tendue, qui s’interroge sur les liens parentaux ou passionnels, faillibles, parfois douloureux.

Reconnaissances est une reconnaissance de dette. Dette envers les lieux et les êtres propices, envers la chance aux multiples visages, dette infinie envers le vivant.

La distance de fuite (2017, domaine français)

La distance de fuite

L’expression la distance de fuite vient de l’étude des animaux. Distance ici désigne l’espace protecteur que veille à garder autour de lui l’animal dont la seule défense est la vitesse de sa course.

L’expression m’a frappée comme image poétique touchant également les rapports humains : eux aussi sont faits de distance relative, de recherche du meilleur lien possible, proche ou lointain.

Ce livre ne fait pas tant l’éloge de la fuite que du refuge qui l’oriente: les cabanes de l’enfance, un jardin, le bord d’un lac, un regard ami, une chambre à soi, la lecture.

Le titre n’est donc pas de mon invention. Il m’a paru traduire la double idée de fuite et de refuge. Si l’écriture a quelque chose d’un mouvement de fuite, en même temps elle cherche à rejoindre ce lieu d’intime hospitalité, un livre : écrite, la distance deviendra peut-être lien.

C.S.

Le Mineur et le Canari (2012, domaine français)

Le Mineur et le Canari

Une femme s’éprend de son thérapeute, le Docteur Ursus. Une situation qui, d’emblée, empêche l’expression simple des sentiments et des désirs. Aussi bien est-ce, pour cette femme, l’occasion idéale d’aimer. Dans ce cadre protégé, surveillé, rien de malheureux ne peut lui arriver. Enchantée au sens fort du terme, la patiente écrit. Dérivé en récit, l’amour imaginaire se trouve ainsi conforté, amplifié.

Tout de cet homme plaît à la narratrice, son regard, sa voix, ses vêtements, sa bienveillante et imparable logique. Elle l’écoute, le dévore des yeux, le respire. Il suffit, ici, que la bonne distance soit observée et l’amour impossible ira à l’infini…

Mais un livre doit finir, et le récit lui-même, qui a longtemps porté la narratrice, l’avertit de revenir à la « vraie vie ». Quant au canari, son symbole vient d’une ancienne tradition. Naguère, on emportait au fond du puits de charbon un petit oiseau chanteur, qui avertissait du grisou mortel son compagnon le mineur.

Ouvrage disponible en poche : http://editionszoe.ch/livre/le-mineur-et-le-canari-1

Autour de ma mère (2006, domaine français)

Autour de ma mère

Une vieille femme perd la mémoire, perte qui incite sa fille unique à reconstituer le passé comme elle peut. Au travers de bribes de souvenirs et d’incidents quotidiens, la narratrice cherche à gagner l’affection de sa mère. A l’opposé du récit de deuil qui honore un parent défunt, Autour de ma mère est un carnet de bord tenu à chaud pendant trois ans, un journal poétique parfois noir, souvent cocasse, écrit contre le regret, l’amertume et la mort. Quête d’amour filial qui se conjugue avec la tentative tragi-comique mais passionnée de retrouver un amant fugitif. Quel amour l’emportera, celui pour la mère ou celui pour l’amant ? A ce dilemme, la narratrice donne une réponse singulière.

Ouvrage disponible en poche : http://editionszoe.ch/livre/autour-de-ma-mere-2

 

Retour, retour

« Ces premiers moments ont été décisifs. Moi cependant je ne décidais rien, presque rien, si vite me suis laissé mener, privée d’une manière ou de l’autre de mon bon sens, d’un minimum de bon sens. Ce qui avait fondu sur moi à peine hors du train, cette sensation qui faisait du retour en pays connu une arrivée en pays inconnu, n’était pas nouvelle, quoique cette fois tellement plus accentuée. Elle était prévisible et, semblait-il, j’aurais pu me ressaisir, éviter ce vers quoi je me suis avancée, fermant les yeux juste assez pour continuer. »

Un faux départ oblige une femme à revenir sur ses pas. Elle se terre, clandestine, dans sa ville natale.

La Tête de ma femme (2003, Minizoé)

La Tête de ma femme

Au nord du Capitaine (2002, domaine français)

Au nord du Capitaine

Une femme est tombée sous le charme d'une île qui, longtemps, lui prodigue ses dons simples. Promenades par les sentiers, musique d'une autre langue, la mer, les bateaux. Un jour, la visiteuse rencontre le Capitaine Rouge. C'est un homme de sac et de corde, mais sa voix et sa prestance ravissent l'étrangère.

S'ensuivent les péripéties classiques des amants – promesses, mensonges, chassés-croisés, barrages contre les moulins à vent. À l'école du Capitaine Rouge, ce maître de l'envers des choses, la narratrice perd quelques illusions.

Demeurent à la fin les objets, témoins humbles et fidèles. Demeurent les lieux, parfaits, d'une aventure triviale – une maison et un jardin  dans le pays gris et, là-bas, l'île aux sortilèges, plus vraie maintenant qu'elle a des ombres.

La Part du fleuve (1997, Minizoé)

La Part du fleuve

Le Pont aux Heures (1996, domaine français)

Le Pont aux Heures

Comme avant Galilée (1993, domaine français)

Comme avant Galilée

Retour, retour (1984, domaine français)

Retour, retour

Le Mineur et le Canari: extrait

Une visite

 

Onze heures du soir. J’écoute la radio quand un fort frappement à la porte-fenêtre me fait sursauter. Je suis certaine que c’est Franca. La dernière fois qu’elle est restée ici, je me suis juré que ce serait la dernière. J’ai toujours mal à la main gauche. Un soir, Franca s’était plainte de maux de ventre et avait réclamé une bouillotte. Elle la voulait très chaude et avait surveillé l’opération, ébullition de l’eau, remplissage sans poche d’air, le bouchon fermait-il bien? Elle était là depuis une semaine, parlait, me suivait d’une pièce à l’autre dans la maison. De fatigue, d’énervement, je m’étais ébouillanté la main. Franca recommandait un emplâtre d’oignon imbibé d’urine. Assise devant moi, pressant sur son ventre la bouillotte rose enveloppée d’un châle, elle me regardait avec curiosité, curieuse que je ne me plaigne pas. Elle voulait que je lui parle de famille, d’enfants, d’ex-maris, d’argent, de ma mère décédée en mai dernier. Elle parlait beaucoup de sa mère, avec qui elle vivait, dont elle avait été le souffredouleur, enfant. L’expression un peu désuète de souffre-douleur m’avait frappée. Ma visiteuse répétait qu’il fallait travailler le problème de la mère. J’avais entortillé ma main tuméfiée dans une serviette mouillée d’eau froide et je la tenais cachée sous la table. C’était à la cuisine, tard, comme maintenant. Je pensais à la légende de saint Julien l’Hospitalier, qui me faisait monter les larmes aux yeux, je pensais à la vieille chatte grise. Elle avait fui dès l’arrivée de Franca. Dehors il gelait. La chatte mourrait, si Franca restait. Elle avait une voiture, de l’argent. Tard dans la nuit, je suis descendue à la cuisine et j’ai laissé un mot sur la table, quelques lignes polies mais explicites. J’avais très mal à la main. Franca était partie le lendemain matin. On frappe de nouveau. Le rideau est tiré, mais la lumière et la radio trahissent ma présence. Je n’ouvre pas. Du temps passe. J’éteins radio et lumière, je tends l’oreille. Aucun pas ne s’éloigne sur le gravier. La nuit est silencieuse, je sens que quelqu’un est toujours là, d’ailleurs on frappe encore. C’est une vieille scène qui se rejoue, scène de terrier, de planque, de résistance. J’attends encore dans l’obscurité, puis j’ouvre brusquement la porte-fenêtre et je crie : «Toi, cocotte, tu pars ! Tout de suite!»

 

Le mot de cocotte se disait dans ma famille, très péjorativement. Ce n’est pas Franca, mais Helmut, couché sur le paillasson devant le seuil, la tête sur un sac de voyage. À bout de nerfs, ridicule, je bafouille que ce n’est pas des façons : «Tu aurais pu t’annoncer ! Tu aurais pu dire que c’était toi!»

 

Il marmonne qu’il a raté son train. Helmut est le modèle du personnage que j’ai surnommé le Grand U dans Comme avant Galilée. Grand, maigre, une cinquantaine d’années, taiseux, méfiant, il peut à l’occasion s’embarquer dans de longs récitatifs impénétrables. Il a squatté ici et là en ville et en banlieue, et maintenant il est retourné chez sa mère en Suisse alémanique. Même un vagabond infatigable et réfractaire peut retourner chez sa mère. Je tiens le Grand U pour une sorte de saint homme. Je lui offre à manger, pas très chaleureusement, mais il n’a pas faim. Nous montons à la petite chambre et je fais le lit. Helmut me regarde sans un geste. En automne, il vient chercher des pommes et du raisin, mais ne propose jamais de m’aider au jardin. Cette nuit, je ne peux m’empêcher de le lui reprocher, contre ma pensée réelle, qui est que la pureté du Grand U est de ne se mêler de rien. Tirant sur le drap et la couverture, je ronchonne – après toutes ces années, il pourrait bien me dire deux mots un peu personnels ! Son rapport aux femmes est un mystère. J’aime croire qu’il est vierge. En tout cas il semble ne regretter personne. Le lendemain, après son départ, il y avait dans la chambre une légère odeur de bois et de foin coupé.